L’association « OSSIMANE »
Au Gabon, la période de transition politique actuelle voit émerger un nombre croissant d’initiatives communautaires et associatives. Parmi elles, l’organisation « Ossimane » dans la province du Woleu-Ntem, qui vise à promouvoir l’unité nationale et à soutenir le gouvernement de transition, se détache comme un phare d’espoir. Toutefois, un examen plus approfondi de ces initiatives soulève des questions quant à leur véritable impact et leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique en place. Cet article se propose de plonger dans les méandres de la vie associative gabonaise, oscillant entre aspirations démocratiques et instrumentalisation politique.
La création d’Ossimane, une plateforme provinciale d’idées, s’inscrit dans un contexte gabonais marqué par des décennies de gouvernance autoritaire sous le Parti Démocratique Gabonais (PDG). L’initiative, louable en surface, ambitionne de rassembler les fils et filles du grand nord autour d’une vision commune, en soutien explicite au Conseil de Transition et de Restauration des Institutions (CTRI) et à son président, le chef de l’État Brice Clotaire Oligui Nguema. Mais au-delà des déclarations d’intention, quel est le réel espace d’autonomie et de critique que ces associations peuvent s’accorder face à un gouvernement de transition qui peine encore à se défaire de l’ombre du PDG?
Les sceptiques pourraient arguer que l’engagement de tels groupes reflète moins un élan démocratique spontané qu’une orchestration habile visant à légitimer le statu quo politique. Le PDG, bien que discrédité aux yeux de nombreux Gabonais, semble trouver dans ces associations un canal pour se réinventer et maintenir son influence, sous couvert de soutien à la transition.
La volonté d’Ossimane de « réveiller l’esprit patriotique » et de « promouvoir l’unité nationale » suscite un intérêt certain. Pourtant, le véritable défi réside dans la capacité de ces initiatives à se distancier des pratiques anciennes et à encourager une réelle participation citoyenne au débat public. L’histoire récente du Gabon démontre que les mouvements associatifs peuvent rapidement être cooptés par les élites politiques, leurs voix diluées dans un discours unilatéral qui sert davantage les intérêts du pouvoir que ceux de la population.
L’annonce d’activités telles que le lancement officiel des activités d’Ossimane, la rénovation d’écoles ou encore la distribution de médicaments illustre une volonté de répondre à des besoins concrets. Cependant, ces actions, si elles ne s’accompagnent pas d’une réflexion critique sur les structures de pouvoir et de gouvernance au Gabon, peuvent s’apparenter à des pansements sur une plaie béante. Le danger est réel que ces associations soient perçues comme des instruments de la politique gouvernementale, plutôt que comme des forces motrices du changement social.
L’engagement associatif et citoyen au Gabon se trouve ainsi à un carrefour. D’un côté, la possibilité d’incarner un renouveau démocratique, de donner une voix aux sans-voix et de participer activement à la reconstruction du tissu social et politique du pays. De l’autre, le risque d’être absorbé par le système politique existant, de devenir une caisse de résonance des ambitions politiques en place sans véritablement remettre en question les fondements de l’autoritarisme et de la corruption qui ont longtemps entravé le développement du Gabon.
La question demeure : les initiatives comme Ossimane peuvent-elles transcender les clivages politiques et contribuer à une réelle transformation sociale, ou ne sont-elles que l’expression d’une volonté de maintenir le statu quo sous un vernis de changement? La réponse à cette question dépendra de la capacité des acteurs associatifs à maintenir leur indépendance face au pouvoir, à encourager un dialogue ouvert et inclusif, et à promouvoir une véritable culture démocratique. Dans un Gabon en quête d’identité post-transitionnelle, le scepticisme à l’égard de la vie associative et de l’engagement citoyen n’est pas tant un signe de désillusion qu’un appel à une vigilance constante. Et une question lancinante revient : comment sont financées de telles associations et qui pilote derrière ?