La diplomatie américaine vit un tournant brutal. En rappelant discrètement près d’une trentaine d’ambassadeurs, Donald Trump frappe fort. Mais c’est surtout l’Afrique qui se retrouve en première ligne de cette vaste réorganisation, avec une douzaine de pays directement touchés.
Une onde de choc partie de Washington

L’information, révélée par la presse américaine, a provoqué stupeur et incompréhension dans les chancelleries. Vingt-neuf ambassadeurs américains ont été sommés de quitter leurs fonctions par un simple appel téléphonique, avec une échéance fixée à la mi ou à la fin janvier. La majorité d’entre eux sont des diplomates de carrière, nommés sous l’administration Biden.
Aucune explication officielle ne leur aurait été fournie. Une méthode expéditive qui tranche avec les usages diplomatiques et qui alimente les critiques, y compris au sein même du département d’État.
L’Afrique, principale victime de la vague de rappels

Selon une liste partielle publiée par l’Associated Press, l’Afrique concentre à elle seule près de la moitié des rappels. Sont concernés :
Niger
Ouganda
Sénégal
Somalie
Côte d’Ivoire
Maurice
Nigeria
Gabon
Congo
Burundi
Cameroun
Rwanda
Cette concentration géographique n’a rien d’anodin. Elle intervient dans un contexte de repositionnement stratégique des États-Unis sur le continent africain, marqué par les tensions sécuritaires au Sahel, la montée de l’influence russe et chinoise, et les débats internes à Washington sur l’efficacité de l’aide américaine.
Pour plusieurs observateurs, ces rappels traduisent une volonté claire de rebattre les cartes de la présence diplomatique américaine en Afrique, en y plaçant des profils jugés plus alignés avec la doctrine « America First ».
Une pratique inhabituelle et vivement critiquée

L’Association américaine du corps diplomatique (AFSA) a tiré la sonnette d’alarme. Elle affirme avoir reçu des témoignages de diplomates en poste « dans le monde entier », dénonçant des rappels sans motif ni procédure transparente.
« Le renvoi sans explication de diplomates de haut rang sape la crédibilité des États-Unis à l’étranger », a averti l’AFSA, soulignant le malaise profond au sein du corps diplomatique professionnel, notamment parmi ceux affectés en Afrique.
Traditionnellement, les ambassadeurs de carrière achèvent leur mandat ou restent en poste jusqu’à la nomination de leur successeur. Cette rupture des usages alimente le sentiment d’une purge politique assumée.
Washington assume un changement de cap

Interrogé, le département d’État s’est réfugié derrière l’argument d’« un processus standard dans toute administration », sans confirmer les pays concernés. Une réponse jugée évasive au regard de l’ampleur des rappels.
Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump, avec son secrétaire d’État Marco Rubio, a engagé une restructuration radicale de la diplomatie américaine. Des centaines de fonctionnaires ont été remerciés, les priorités redéfinies et l’Agence américaine pour le développement (USAID) supprimée.
L’Afrique, longtemps considérée comme un terrain clé de l’aide et de la coopération américaine, semble désormais abordée sous un angle plus strictement stratégique, sécuritaire et migratoire.
Quel impact pour les relations États-Unis–Afrique ?Ces rappels massifs soulèvent une question centrale : les relations entre Washington et les capitales africaines vont-elles s’en trouver fragilisées ? Le départ précipité d’ambassadeurs expérimentés pourrait ralentir des dossiers sensibles, de la sécurité régionale à la coopération économique.
Une chose est certaine : en plaçant l’Afrique au cœur de cette purge diplomatique, Donald Trump envoie un signal fort. Celui d’une diplomatie recentrée, politisée et résolument tournée vers les intérêts américains, quitte à bousculer durablement les équilibres établis sur le continent.


