Le Cameroun vit depuis 48 heures au rythme d’un suspense électoral haletant. Au lendemain du scrutin présidentiel du 12 octobre, les deux principaux camps celui du président sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans, et celui de son ancien ministre Issa Tchiroma Bakary revendiquent chacun la victoire. Entre prudence officielle, fébrilité populaire et craintes de tensions, le pays s’installe dans une attente électrique.
Deux camps, une même certitude : la victoire
Sur Facebook, Issa Tchiroma Bakary a martelé dès la mi-journée du 13 octobre :
« Nous ne reconnaîtrons que les résultats issus des urnes dans chaque bureau de vote. »
L’ancien ministre, désormais figure de l’opposition unifiée à travers la coalition Union pour le Changement 2025, s’est montré confiant, s’appuyant sur les premiers procès-verbaux remontés par ses observateurs. Son directeur de campagne, Chris Maneng’s, affirme que Tchiroma « dispose d’un avantage clair dans la quasi-majorité des régions ».
Face à lui, le camp Biya reste tout aussi assuré. Des proches du régime parlent déjà d’une “victoire décisive” du président sortant, arguant de la stabilité et de l’expérience du chef de l’État.
Mais dans un climat de méfiance généralisée, chaque mot pèse lourd.
Résultats sous scellés, mais tension dans les rues

Les résultats officiels ne seront pas proclamés avant le 26 octobre par le Conseil constitutionnel. D’ici là, le silence des autorités alimente toutes les spéculations. Aucune communication n’a été faite sur le taux de participation ni sur la date précise de publication des résultats.
À Yaoundé, la vie a timidement repris son cours ce lundi matin. Toutefois, des forces de sécurité massivement déployées à la Briqueterie fief de Tchiroma, rappellent que la situation demeure fragile.
« On veut le changement, mais sans problèmes », confie Abdou Mana, 50 ans, habitant du quartier, visiblement partagé entre espoir et prudence.
Dans le Nord, région d’origine de Tchiroma, des accrochages ont été signalés dimanche soir entre militants et forces de l’ordre, signe que la tension reste vive malgré les appels au calme.
Une ligne rouge : ne pas proclamer la victoire

Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a averti :
« Il est strictement interdit d’annoncer les résultats avant le Conseil constitutionnel. C’est la ligne rouge à ne pas franchir. »
L’homme fort du dispositif électoral salue une élection “sans incident majeur”, mais les observateurs indépendants soulignent des zones d’ombre dans la transmission des procès-verbaux et des accusations d’irrégularités dans plusieurs régions anglophones.
Le spectre de 2018 plane
Le souvenir de 2018 reste vif. Cette année-là, Maurice Kamto s’était autoproclamé vainqueur avant l’annonce officielle, entraînant une répression brutale, des dizaines d’arrestations et plusieurs morts. Certains de ses partisans croupissent encore en prison.
Cette fois-ci, les autorités redoutent une répétition du scénario. Le code électoral fixe à 72 heures le délai pour contester les résultats. Mais à ce rythme, les Camerounais risquent de patienter deux longues semaines avant d’avoir le verdict officiel.
Une bataille numérique féroce
Sur les réseaux sociaux, la guerre de l’image bat son plein. Des vidéos de dépouillement filmées à la fermeture des bureaux, des tableaux noirs griffonnés de résultats, et des procès-verbaux diffusés en masse nourrissent les revendications concurrentes.
Les mots-clics #Biya2025 et #TchiromaPrésident s’arrachent la tendance sur X (ancien Twitter), pendant que les appels au calme se multiplient sur Facebook et WhatsApp.
Un pays suspendu à son avenir
Pour de nombreux Camerounais, l’heure est à la vigilance. Les ONG locales appellent à la retenue, craignant que la moindre étincelle ne ravive des tensions ethno-politiques déjà perceptibles.
« Le Cameroun n’a pas besoin d’un vainqueur autoproclamé, mais d’un président légitimement élu », souligne un analyste politique de Douala, sous couvert d’anonymat.
À Yaoundé, la nuit tombe lentement sur une capitale calme mais nerveuse. Les regards sont tournés vers le Conseil constitutionnel, seul habilité à dire la vérité des urnes.
En attendant la vérité des urnes
Entre espoir de changement et crainte du statu quo, le Cameroun est entré dans une zone d’incertitude politique. Les prochains jours seront décisifs.
Le pays retient son souffle, dans l’attente du verdict officiel celui qui dira si, après plus de quatre décennies de règne, Paul Biya passera enfin le flambeau, ou si le “vieux lion” rugira encore cinq ans de plus.


