L’interdiction constitutionnelle de la substitution de pouvoir d’un chef d’État à sa famille, même en cas de maladie ou d’incapacité, est un principe crucial pour la préservation de la démocratie et la stabilité institutionnelle en Afrique. Cette question revêt une importance particulière dans un continent où plusieurs chefs d’État ont tenté de maintenir leur pouvoir au sein de leur famille, souvent avec des conséquences désastreuses pour leurs pays. Cette analyse se concentrera sur les cas de Sylvia et Noureddin Bongo au Gabon, d’Idriss Déby Itno au Tchad, et de Paul Biya au Cameroun.
Le Cas du Gabon : Sylvia et Noureddin Bongo Valentin
Après le coup d’État qui a renversé Ali Bongo en août 2023, les autorités de transition gabonaises ont placé Sylvia Bongo, l’épouse de l’ancien président, et Noureddin Bongo Valentin, son fils, en détention. Avant cet événement, la famille Bongo, au pouvoir depuis 1967, avait progressivement consolidé son emprise sur le Gabon. Lorsque Ali Bongo a subi un AVC en 2018, c’est Sylvia Bongo qui, selon plusieurs rapports, a exercé une influence significative sur les affaires du pays, avec le soutien de son fils.
Causes :
Dynastisation du pouvoir : La famille Bongo a cherché à maintenir le pouvoir en son sein, même face à l’incapacité physique du président. Cela a été perçu comme une tentative de succession dynastique déguisée.
Affaiblissement institutionnel : La concentration du pouvoir dans les mains d’une seule famille a affaibli les institutions démocratiques gabonaises, limitant l’émergence de contre-pouvoirs efficaces.
Conséquences :
Instabilité politique : La mainmise de la famille Bongo sur le pouvoir a exacerbé les tensions politiques et sociales, contribuant au coup d’État de 2023.
Crise de légitimité : Le recours à des membres de la famille du président pour gouverner a miné la légitimité du régime aux yeux de la population.
Impact sur le pays :
Transition incertaine : Le Gabon est actuellement en période de transition, avec des incertitudes quant à la restauration de la démocratie et l’avenir du pays.
Affaiblissement de la confiance : La confiance des citoyens dans le système politique est gravement érodée, nécessitant une réforme en profondeur des institutions pour éviter une répétition de ces abus.
Le Cas du Tchad : Idriss Déby Itno
Au Tchad, Idriss Déby Itno a dirigé le pays pendant 30 ans avant d’être tué en 2021 lors d’une confrontation avec des rebelles. Immédiatement après sa mort, son fils, Mahamat Idriss Déby Itno, a été installé au pouvoir par un Conseil militaire de transition, perpétuant la dynastie familiale.
Causes :
Monopole militaire : La mainmise de l’armée, associée à la famille Déby, sur le pouvoir a permis cette succession rapide, contournant les processus démocratiques.
Absence de cadre constitutionnel clair : Le Tchad n’a pas mis en place de mécanismes constitutionnels efficaces pour prévenir la substitution du pouvoir familial.
Conséquences :
Consolidation autoritaire : L’installation de Mahamat Idriss Déby a consolidé un régime autoritaire, prolongeant le pouvoir familial au mépris de la volonté populaire.
Répression accrue : Le maintien du pouvoir par une famille a conduit à une répression des opposants et à une limitation des libertés publiques.
Impact sur le pays :
Incertitudes politiques : Le Tchad reste instable, avec des risques accrus de révoltes armées et de conflits internes.
Stagnation démocratique : L’absence de transition démocratique renforce l’autoritarisme, bloquant tout progrès vers un gouvernement représentatif.
Le Cas du Cameroun : Paul Biya
Paul Biya, au pouvoir au Cameroun depuis 1982, est l’un des dirigeants les plus anciens d’Afrique. À 91 ans, des spéculations persistent quant à la possibilité que son fils, Franck Biya, prenne sa succession. Bien que cette éventualité n’ait pas encore été officialisée, les signes d’une dynastisation du pouvoir sont évidents.
Causes :
Longévité au pouvoir : Le maintien prolongé de Paul Biya au pouvoir a créé un vide institutionnel, où la succession devient une affaire personnelle plutôt qu’une question d’intérêt public.
Centralisation du pouvoir : Le contrôle quasi absolu exercé par Biya a empêché l’émergence de contre-pouvoirs capables de contester une succession familiale.
Conséquences :
Paralysie institutionnelle : L’incapacité à préparer une transition démocratique efficace risque de paralyser les institutions en cas de disparition ou d’incapacité de Biya.
Méfiance populaire : Les Camerounais voient avec méfiance toute tentative de succession familiale, qui pourrait provoquer des troubles sociaux.
Impact sur le pays :
Risque de conflits : Une transition mal gérée pourrait déclencher des violences, surtout dans un contexte déjà marqué par des tensions ethniques et politiques.
Régression démocratique : Le Cameroun risque de sombrer davantage dans l’autoritarisme si une succession dynastique est imposée.
Conclusion : Nécessité d’une Interdiction Constitutionnelle
Les exemples du Gabon, du Tchad et du Cameroun démontrent les dangers de la substitution du pouvoir à des membres de la famille du chef de l’État. Cette pratique affaiblit les institutions, sape la légitimité du gouvernement et conduit souvent à des crises politiques graves. Une interdiction constitutionnelle de cette pratique, combinée à des mécanismes institutionnels robustes, est essentielle pour préserver la démocratie et assurer une transition pacifique du pouvoir en Afrique.
Les pays africains doivent renforcer leurs cadres juridiques pour interdire explicitement toute succession familiale, promouvoir la transparence dans la gouvernance, et garantir que le pouvoir reste entre les mains du peuple, conformément aux principes démocratiques.