Le débat sur la possibilité, pour un élu indépendant, de créer un parti politique sans violer l’article 82 du Code électoral gabonais, refait surface. Alimentée par des interprétations parfois approximatives, cette controverse mérite un éclairage juridique clair, à l’heure où certains élus indépendants envisagent de structurer leur engagement autour de nouvelles formations politiques.
Créer un parti n’est pas y adhérer

La confusion provient souvent de la méconnaissance d’une distinction fondamentale : créer un parti n’est pas automatiquement y adhérer. En effet, selon l’article 21 de la Constitution révisée en 2024, tout citoyen, y compris un élu indépendant, peut créer un parti politique. Cet acte consiste à établir une organisation à but politique, sans pour autant s’y engager personnellement.
Contrairement à l’adhésion, qui est un acte volontaire et formel, la création d’un parti est un acte de fondation, qui ne suppose pas automatiquement l’entrée du fondateur dans le parti. Le droit gabonais ne définit pas la notion de « membre fondateur » et laisse aux statuts internes du parti le soin de fixer les règles d’adhésion.
Le piège de l’article 82 : l’adhésion en cours de mandat

Ce que l’article 82 du Code électoral interdit formellement, c’est l’adhésion d’un élu indépendant à un parti politique après son élection. Cette disposition vise à lutter contre la transhumance politique et à préserver la cohérence du choix des électeurs.
Mais si un élu indépendant fonde un parti sans y adhérer officiellement – c’est-à-dire sans accomplir les démarches prévues par les statuts du parti – il ne tombe pas sous le coup de la sanction prévue par l’article 82.
Tout dépend donc de la manière dont le parti est créé et des règles qu’il adopte. S’il impose que ses fondateurs soient automatiquement ses premiers adhérents, alors un élu indépendant fondateur sera considéré comme adhérent… et pourra être déchu. En revanche, s’il n’y a pas adhésion formelle, aucune sanction ne peut être appliquée.
Quatre cas concrets pour y voir plus clair

- Élu fondateur sans adhésion : Il n’enfreint pas l’article 82.
- Statuts imposant une adhésion dès la création : Il devient adhérent et s’expose à une sanction.
- Adhésion après la création : La sanction s’applique à partir du moment de cette adhésion.
- Parti créé après l’élection, adhésion postérieure : Même chose, la sanction vaut à partir de l’adhésion.
Un appel à la clarté juridique et politique

Ce débat met en lumière la nécessité pour les fondateurs de partis de rédiger avec soin leurs statuts, en dissociant clairement les notions de fondateur et d’adhérent. Cela permet aux élus indépendants de contribuer à la vie politique sans violer la loi.
En définitive, la liberté de création politique reste un droit fondamental, mais elle doit s’exercer dans le respect des règles électorales. C’est uniquement l’adhésion formelle – et non la création en tant que telle – qui peut entraîner une sanction. Il est donc temps de pacifier ce débat, en s’appuyant sur une lecture rigoureuse, non partisane et juridiquement fondée du texte.


