Alors que le monde scientifique salue la découverte d’un nouveau groupe sanguin rare, l’AnWj-négatif, révélée en janvier 2025 par la revue Blood, les pays africains, eux, peinent à entrevoir les retombées concrètes de cette avancée.
Identifié par une équipe britannique du NHS Blood and Transplant en collaboration avec l’Université de Bristol, ce groupe sanguin résulte de la suppression du gène MAL, entraînant l’absence de la protéine Mal. Une découverte aux implications majeures dans les domaines de la transfusion, des greffes et de la médecine personnalisée.

Mais en Afrique de l’Ouest, la nouvelle soulève plus d’interrogations que d’espoir. Selon Salam Sawadogo, enseignant-chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou et spécialiste au Centre national de transfusion sanguine (CNTS) du Burkina Faso, les conditions ne sont pas réunies pour intégrer cette avancée dans les pratiques cliniques locales.
« Les centres de transfusion sont confrontés à un manque criant de moyens techniques. Nous en sommes encore à assurer l’essentiel, à savoir la compatibilité ABO et Rh D », explique-t-il.
Dans la plupart des pays de la région, la recherche d’anticorps irréguliers, pourtant indispensable pour des transfusions sûres, n’est pas systématique. Elle est réservée à quelques cas bien ciblés : patients drépanocytaires, insuffisants rénaux ou polytransfusés. Et même là, les examens approfondis — phénotypages élargis incluant les systèmes Kell, Duffy, Kidd ou MNSs — sont réalisés sur prescription médicale et entièrement à la charge des patients, faute de couverture sociale.

Cette situation illustre le retard structurel de nombreux systèmes de santé du continent face aux progrès scientifiques mondiaux. Tandis que les pays développés affinent leurs pratiques transfusionnelles, une grande partie de l’Afrique demeure à la traîne, contrainte de se concentrer sur les bases.
La découverte de l’AnWj-négatif, aussi prometteuse soit-elle, ne changera pas la donne sans investissements massifs dans les infrastructures de santé, la formation du personnel et la modernisation des laboratoires.
À l’heure où la médecine se fait de plus en plus précise et personnalisée, l’écart se creuse entre les pays du Nord et ceux du Sud. Et pour les populations africaines, le progrès médical reste, trop souvent, une affaire d’ailleurs.


