Gratuité de l’enseignement primaire en RDC : enjeux et défis

Un principe constitutionnel en péril
La gratuité de l’enseignement primaire en République Démocratique du Congo (RDC) est bien ancrée dans l’article 43 de la Constitution, reconnaissant ce droit comme fondamental et non négociable. Introduite en 2019, cette politique a été célébrée comme une avancée majeure pour l’accès à l’éducation, surtout dans un pays où l’instabilité politique et les crises économiques ont longtemps freiné le développement éducatif. Cependant, cette réalisation est désormais menacée, en particulier par des décisions des autorités locales. L’arrêté du gouverneur du Nord-Kivu, proche de l’AFC/M23, impose des frais de scolarité qui remettent en question cette gratuité.
Ce climat exacerbe les tensions entre le gouvernement central et les factions rebelles. La ministre de l’Éducation nationale, Raïssa Malu Dinanga, a réaffirmé que la gratuité de l’enseignement est « intangible » et que toute atteinte à ce principe serait jugée illégale. Néanmoins, la réalité sur le terrain est plus nuancée. Dans les zones tenues par l’AFC/M23, le paiement de frais scolaires devient une exigence, créant ainsi une fracture dans l’uniformité de cette politique. Les parents, déjà éprouvés par les conflits et la crise économique, voient l’éducation de leurs enfants compromise.
Les conséquences s’avèrent inquiétantes. Des témoignages, tel celui de Claude Ndaghala, révèlent que de nombreux parents choisissent de ne pas inscrire leurs enfants, incapables de s’acquitter de frais qu’ils n’ont pas les moyens de payer. Cette situation pourrait engendrer un abandon massif scolaire, aggravant une crise éducative déjà critique.

Les défis économiques et sociaux
Bien que la gratuité de l’enseignement primaire soit un principe inscrit dans la Constitution, elle se heurte à des défis économiques lourds. La crise économique actuelle en RDC a des répercussions directes sur les familles, qui luttent au quotidien pour satisfaire leurs besoins fondamentaux. Jean-Jacques Mamba, fonctionnaire de l’État, précise que même si la réinscription est gratuite, des frais annexes, comme ceux pour les activités parascolaires, restent à la charge des parents. Cela complique la vie de beaucoup de familles, leur situation financière étant déjà précaire, marquée par des salaires souvent insuffisants et des délais de paiement non respectés.
Les enseignants partagent des préoccupations similaires. Dans certaines zones, ils n’ont pas perçu de salaire depuis des mois. Cette absence de rémunération affecte leur motivation et leur capacité à dispenser un enseignement de qualité. Le Syndicat des enseignants du Congo (SYECO) a même organisé des grèves pour dénoncer l’inaction du gouvernement face à des revendications cruciales, comme l’harmonisation des primes liées à la gratuité. Ces frictions risquent de nuire à la qualité de l’éducation, un domaine que le gouvernement cherche pourtant à améliorer.
La rentrée scolaire 2025-2026, avec plus de 29 millions d’élèves, met en lumière l’ampleur des défis à relever. Les autorités doivent garantir non seulement l’accès à l’éducation, mais aussi des conditions d’apprentissage adéquates. Les solutions d’urgence, comme l’enseignement à distance et l’aménagement de salles temporaires, sont insuffisantes et ne remplacent pas une politique éducative solide et pérenne.

Perspectives d’avenir et solutions possibles
Face à ces défis, le gouvernement congolais, par l’intermédiaire de la ministre Raïssa Malu, fait le constat que l’éducation requiert une vision ambitieuse. Celle-ci inclut le renforcement de l’administration scolaire, l’investissement dans la formation des enseignants, et l’intégration des technologies pour un apprentissage inclusif. Ces initiatives visent à moderniser le système éducatif tout en répondant aux besoins d’une population jeune et en pleine croissance.
Cependant, la mise en œuvre de ces réformes dépend d’une mobilisation collective. Parents, enseignants, élèves et partenaires doivent unir leurs efforts pour faire de la gratuité de l’enseignement une réalité tangible plutôt qu’un simple slogan. La ministre insiste aussi sur l’intégration de la dimension de la Nouvelle Citoyenneté dans les programmes scolaires, pouvant contribuer à former des citoyens responsables et engagés.
Pour que la gratuité de l’enseignement primaire soit véritablement effective, des mesures concrètes doivent être prises pour garantir le financement des écoles et des salaires des enseignants. Cela pourrait passer par des partenariats avec des organisations internationales et des ONG, ainsi que par des réformes fiscales pour accroître les ressources allouées à l’éducation. Ainsi, la question de la gratuité de l’enseignement en RDC s’avère complexe, mais elle n’est pas sans solutions.
Les enjeux relatifs à la gratuité de l’enseignement primaire en RDC soulèvent des interrogations cruciales sur l’avenir éducatif du pays. Comment assurer un accès équitable à l’éducation pour tous les enfants, malgré les crises économiques et sécuritaires ? Quelles innovations peuvent être adoptées pour surmonter ces défis ? L’éducation, bien qu’étant un droit fondamental, doit être soutenue par des actions tangibles et des engagements durables.


