Un témoignage glaçant venu de l’ombre
C’est une confession rare, lourde de douleur, que Brice Laccruche Alihanga a livrée à Jeune Afrique. Ancien directeur de cabinet du président Ali Bongo Ondimba et homme fort du système, il révèle, pour la première fois, les conditions inhumaines de sa détention après sa brutale éviction du pouvoir.
Isolement total et privations extrêmes
« J’ai été mis en isolement total dans une pièce de six mètres carrés, sans fenêtres. Ce n’était même pas une chambre. » Le décor est planté : un isolement absolu, sans lumière, sans promenade, sans livre, sans avocat pendant deux ans. Pour ne pas sombrer, il griffonne sur les murs. Il dort, mange et fait ses besoins dans le même espace, ne recevant qu’une boîte d’aspirines par mois et une ration quotidienne de pain et de sardines.
Un acharnement orchestré par un clan désormais déchu

Mais derrière ces conditions extrêmes, Brice Laccruche ne laisse aucun doute sur l’identité de ceux qui ont tiré les ficelles. Il affirme que ce traitement inhumain lui a été infligé sur les instructions directes de Noureddin Bongo Valentin et de son clan, alors tout-puissants dans l’appareil d’État. Ce cercle restreint, qui régnait dans l’ombre de la présidence, a mené une vendetta implacable contre lui, jusqu’à chercher à le faire disparaître dans le silence.
Aujourd’hui, ce clan est déchu, écarté du pouvoir depuis la chute du régime Bongo en 2023. Mais les cicatrices laissées par son règne restent visibles et profondes.
Une répression systématique des proches

Et Laccruche ne fut pas le seul à souffrir. « Ma femme a été embastillée. Mon frère a subi les mêmes conditions que moi. Tous ceux supposés être proches de moi ont été incarcérés ou maltraités. » Il dépeint une répression ciblée, familiale, implacable, qui visait à éradiquer tout un réseau politique et personnel, perçu comme une menace.
Quand le pouvoir broie ses propres piliers
Son témoignage met en lumière un régime capable de broyer sans remords ceux qu’il avait lui-même élevés. Une machine à punir, où loyauté ne protégeait plus de la disgrâce. Le système Bongo, dans sa phase terminale, s’est retourné contre ses propres architectes, dans une logique paranoïaque de pouvoir absolu.
Et maintenant ? Quelle justice pour hier ?

Alors que le Gabon s’inscrit dans une nouvelle dynamique politique depuis l’élection du président Brice Clotaire Oligui Nguema en avril 2025, ce témoignage ravive un débat incontournable : celui de la vérité, de la justice et de la mémoire. Peut-on bâtir un avenir apaisé sans faire face aux exactions de l’ancien régime ?
Un devoir de mémoire et d’équité
Brice Laccruche Alihanga parle aujourd’hui, non pour régler des comptes, mais pour témoigner. Pour dire ce que fut la chute dans l’oubli, la brutalité d’un pouvoir sans pitié. Le Gabon d’aujourd’hui, dirigé par un président élu, ne peut détourner le regard. Le passé demande des comptes, la vérité appelle la lumière.
Le silence ne protège plus ceux qui ont abusé. Et le peuple, lui, n’oublie pas.


