Une décision sans appel, un malaise persistant
Ce 5 août 2025, le Conseil constitutionnel camerounais a acté l’éviction de Maurice Kamto de la présidentielle prévue le 12 octobre prochain. Une décision qui, en apparence, découle d’un simple imbroglio administratif. En réalité, elle révèle un malaise démocratique profond, celui d’un pays prisonnier d’une architecture institutionnelle verrouillée par près d’un demi-siècle de pouvoir sans partage. Le Cameroun, cette grande nation d’Afrique centrale, donne à voir le triste spectacle d’un pluralisme politique bâillonné par la manœuvre juridique.
Kamto hors-jeu, la démocratie en otage ?

Maurice Kamto, juriste de renom, homme politique chevronné, et surtout principal challenger de Paul Biya depuis 2018, ne sera donc pas sur la ligne de départ. Son exclusion repose officiellement sur un vice de procédure lié à la désignation de son mandataire au sein du parti Manidem. Un argument technique habilement exploité par Elecam, et adoubé par le Conseil constitutionnel. Pourtant, derrière cette façade de légalité se cache une évidence glaçante : au Cameroun, l’alternance reste un rêve suspendu.
Le Conseil constitutionnel, bras armé du politique ?

Le vice-président du MRC, Emmanuel Simh, n’y est pas allé par quatre chemins : « Un massacre du droit ». Pour lui, cette décision n’est pas simplement injuste, elle est illégitime. Elle trahit, dit-il, un Conseil constitutionnel devenu caisse de résonance du pouvoir exécutif. Cette critique, aussi virulente soit-elle, rejoint un sentiment largement partagé dans l’opinion camerounaise : celui d’une institution judiciaire inféodée, incapable de garantir une justice équitable en matière électorale.
Comment expliquer, sinon, qu’un candidat de l’envergure de Kamto, fort de son expérience, de ses appuis politiques et de son assise populaire, puisse être éliminé sur la base d’un conflit de représentation interne que l’Administration territoriale, par ailleurs juge et partie, tranche avec une partialité manifeste ?
Paul Biya, huitième mandat et silence de marbre

Pendant ce temps, Paul Biya, 92 ans, s’avance vers un huitième mandat comme on déroule un tapis rouge. Le président camerounais, qui a traversé toutes les ères de la Guerre froide au numérique ne daigne même plus justifier sa candidature. Son pouvoir s’autoalimente, se recycle, se perpétue, porté par une élite administrative loyale, par une armée disciplinée, et par des institutions aux ordres.
Le peuple camerounais, lui, observe, las, impuissant ou résigné. Les plus jeunes n’ont connu que lui. Les plus anciens, eux, savent que la démocratie ne se décrète pas, elle se conquiert. Et chaque éviction comme celle de Kamto rappelle que le chemin reste long, très long.
Une présidentielle sans rival ?

La publication imminente de la liste définitive des candidats ne changera rien à cette réalité : le match semble joué d’avance. En écartant le seul adversaire crédible, le régime a vidé le scrutin de sa substance. À quoi bon voter, si l’issue est déjà connue ? Le Cameroun ne mérite pas ce simulacre. Il mérite un véritable débat, une confrontation d’idées, une respiration politique.
Et après ?
L’avenir dira si l’éviction de Maurice Kamto aura été l’étincelle de trop. En démocratie, il est dangereux de croire que l’on peut confisquer indéfiniment la parole des peuples. L’histoire regorge de régimes qui, à force de mépriser les règles du jeu, ont été rattrapés par le souffle puissant de la rue. Le Cameroun n’est pas condamné à l’immobilisme. Mais pour cela, encore faut-il que ses institutions cessent d’être les instruments dociles d’une monarchie électorale. https://www.jeuneafrique.com/1711560/politique/presidentielle-au-cameroun-la-candidature-de-maurice-kamto-definitivement-rejetee-par-le-conseil-constitutionnel/


