Il y a des jours qui marquent un tournant. Le 16 juin 2025 en est un pour Libreville. Après des années d’attente, de promesses creuses, de tranchées ouvertes puis refermées sans explication, deux infrastructures essentielles ont été mises en service : la station de pompage d’eau potable du PK5 et le réservoir de 10 000 m³ perché au sommet de la Cité-de-la-Caisse. Leurs soupirs d’acier et de béton résonnent comme un soulagement dans les veines sèches de la capitale.
La cérémonie d’inauguration, sobre mais chargée de symboles, a vu la présence du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, en compagnie du président du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Ayodeji Adesina. Ensemble, ils ont donné le signal d’un espoir renouvelé pour des milliers de foyers encore contraints de faire la queue devant des bornes-fontaines ou de compter les bidons au quotidien.
Des paroles aux actes

Avant d’appuyer sur les interrupteurs symboliques, le chef de l’État a honoré plusieurs artisans de cette renaissance hydraulique, dont Gervais Nguema Mba, coordonnateur du Programme intégré pour l’alimentation en eau potable et assainissement de Libreville (Piaepal). Une reconnaissance rare dans un pays où les vrais bâtisseurs travaillent souvent dans l’ombre.
La station de pompage, construite par China First Highway Engineering Co. Ltd (CFHEC), a été conçue pour un débit impressionnant : cinq groupes de pompes à vitesse fixe, capables de propulser chacun 1 200 m³ d’eau par heure. Reliée à la conduite DN 1 000 en provenance de Ntoum 5 et 6, elle alimente désormais directement le réservoir de la Cité-de-la-Caisse, lui-même stratégique pour la desserte du nord de Libreville.
À cela s’ajoute la réhabilitation d’un ancien ouvrage de stockage, laissé à l’abandon pendant des années. Une résurrection technique que le ministre de l’Accès universel à l’Eau et à l’Énergie, Philippe Tonangoye, n’a pas manqué de saluer comme « un geste fort pour une justice hydraulique à l’échelle urbaine ».
Le goût amer des promesses retardées

Retour en mars 2021. Le gouvernement d’alors, aujourd’hui déchu, annonçait en fanfare le lancement du Piaepal à PK5. Les ambitions étaient grandes, les délais annoncés courts : 32 mois pour changer la donne de l’eau potable à Libreville. Et pourtant, les années ont passé. Deux longues années d’attente, de chantiers en veille, d’illusions à peine dissimulées derrière les tôles ondulées et les engins arrêtés.
Les seules réalisations visibles furent quelques ouvrages isolés, comme le petit château d’eau de 50 m³ à la prison centrale. Une miette face à la soif de centaines de milliers de personnes. La parole publique s’était flétrie, les espoirs s’étaient évaporés dans les caniveaux de l’indifférence administrative.
Une victoire de la transition

Il a fallu l’avènement du régime de transition pour que les choses bougent enfin. Sous la pression du président Oligui Nguema, et grâce à la relance des engagements financiers avec la BAD – notamment une enveloppe de 77 millions de dollars (soit 41,6 milliards de FCFA) – le Piaepal a retrouvé ses jambes.
Cette livraison de la station de pompage et du réservoir n’est pas qu’un acte technique : c’est un signal politique, social, humain. Le Gabon en transition ne veut plus tolérer l’inertie. Et Libreville, la ville-capitale, longtemps assoiffée, pourrait bien redevenir un exemple de résilience urbaine.
Un impact à mesurer dans les foyers

Le projet, dans sa globalité, vise à impacter 350 000 personnes à Libreville et dans ses environs. Mais au-delà des chiffres, ce sont des visages qui comptent. Ceux de mères de famille qui n’auront plus à se lever à 4 h du matin pour remplir des jerricans. Ceux de jeunes enfants qui pourront aller à l’école sans avoir passé la nuit à chercher de l’eau. Ceux de familles entières qui, pour la première fois, verront l’eau couler de leur robinet sans interruption.
L’eau, une promesse tenue ?
Le défi reste immense. Car si ces deux ouvrages marquent une avancée majeure, ils ne sont qu’un jalon dans une bataille de longue haleine. Le Piaepal ne doit plus être un slogan technique mais un vecteur réel de changement. Les populations l’ont trop longtemps attendu. Aujourd’hui, elles veulent sentir la différence dans leurs cuisines, leurs douches, leurs écoles.
Mais pour la première fois depuis longtemps, l’espoir ne semble plus hors de portée. Libreville pourrait bien avoir rendez-vous avec une nouvelle ère ; celle où l’eau ne sera plus un luxe, mais un droit.
“L’eau, c’est la vie. Mais au Gabon, il aura fallu une révolution douce pour la faire couler de nouveau.”


