La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu ce 19 mai un arrêt retentissant dans le vieux contentieux territorial opposant le Gabon et la Guinée équatoriale. Après des décennies de tensions autour des îles de Mbanié, Cocotier et Conga, la juridiction onusienne a tranché en faveur de Malabo. Une victoire pour la Guinée équatoriale, mais aussi le point de départ d’une nouvelle bataille diplomatique, car certains territoires comme Mongomo et Ebebiyin reviennent paradoxalement au Gabon.
Les îles, objet d’un conflit vieux de plus de 50 ans

Le cœur du différend portait sur la souveraineté des îlots situés au large des côtes des deux pays. Riches en ressources pétrolières, ces terres ont longtemps été revendiquées par les deux capitales. La CIJ, s’appuyant sur le traité signé en 1900 entre la France et l’Espagne — puissances coloniales de l’époque — a attribué la souveraineté à la Guinée équatoriale. Le tribunal a jugé que ce texte restait valide, et que les îles avaient été transférées à Malabo à l’indépendance du pays en 1968.
Le Gabon, qui s’appuyait notamment sur un accord signé à Bata en 1974, a vu sa revendication rejetée. La Cour a estimé que le document n’avait pas de valeur juridique contraignante, en raison de l’absence de version originale et du manque de preuves concrètes de sa ratification.
Un coup de théâtre : Mongomo et Ebebiyin reviennent au Gabon

Dans une tournure inattendue, la CIJ a également reconnu la souveraineté du Gabon sur certaines zones orientales historiquement rattachées à la Guinée équatoriale : Ebebiyin et Mongomo. Ce dernier point suscite déjà une onde de choc à Malabo, car Mongomo est la ville natale du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et de son épouse. Symbole fort du pouvoir en place, Mongomo est aussi un bastion militaire et politique stratégique.
Selon les juges de La Haye, des documents cartographiques coloniaux antérieurs à 1968 montrent clairement que ces zones relevaient historiquement de l’administration française et donc du futur territoire gabonais. Une position qui relance les discussions sur les frontières terrestres et la délimitation maritime encore floue entre les deux pays.
Vers une crise ou une opportunité diplomatique ?

La situation, bien que juridiquement clarifiée, ouvre une période de tensions potentielles. La perte de Mongomo serait un revers politique majeur pour le régime d’Obiang, au pouvoir depuis plus de 45 ans. Mais Malabo se trouve désormais dans l’obligation d’ouvrir des négociations pour éviter un isolement diplomatique ou un conflit ouvert.
Libreville, de son côté, célèbre une victoire inattendue et symbolique. Les autorités gabonaises ont cependant appelé à la retenue et au dialogue. “Il ne s’agit pas d’humilier un voisin, mais de restaurer une vérité historique et d’aller vers une coopération pacifique”, a déclaré un diplomate gabonais sous couvert d’anonymat.
Une histoire commune à réécrire

Les deux pays, liés par des siècles d’histoire, de culture et même de sang, devront puiser dans leurs racines communes pour dépasser ce moment critique. La question de la gestion conjointe des ressources, notamment pétrolières, dans le golfe de Guinée, reste sur la table.
La décision de la CIJ n’est donc pas un point final, mais plutôt le début d’une recomposition géopolitique sous haute tension. L’avenir immédiat dépendra de la volonté des deux capitales de privilégier la diplomatie à l’épreuve de force.


