Par Prince Bertoua, pour une Afrique qui nourrit et inspire
Dans les plaines rougeoyantes du Congo, les vallées fertiles du Bénin ou les campagnes luxuriantes du Gabon, le manioc n’est pas qu’une racine. Il est une culture. Une mémoire. Un avenir. À l’heure où l’Afrique repense son modèle agricole, la transformation du manioc s’impose comme une réponse puissante à la souveraineté alimentaire, à la lutte contre la pauvreté rurale, mais aussi à la conquête de nouveaux marchés.
Farine, gari, tapioca : des classiques qui résistent au temps

Dans les cuisines familiales et les marchés africains, certains produits issus du manioc n’ont jamais quitté les étals. La farine de manioc, obtenue après séchage et broyage, est une base culinaire incontournable au sud du Sahara. Elle est utilisée pour préparer le foufou, le bâton de manioc ou encore l’attiéké selon les terroirs.
Le gari, particulièrement populaire en Afrique de l’Ouest, est un autre bijou de transformation. Cette semoule croustillante, obtenue après fermentation et torréfaction, séduit par sa conservation longue et sa simplicité de préparation. Elle se consomme avec de l’eau, du sucre, du lait ou accompagnée de sauces et de soupes.
Quant au tapioca, ce dérivé de l’amidon de manioc, il séduit aussi bien les ménages modestes que les chefs étoilés. Il est devenu un ingrédient de choix pour les desserts africains modernes, preuve que la tradition peut flirter avec la créativité gastronomique.
L’amidon industriel : le nouveau visage du manioc

Au-delà des assiettes, le manioc entre aujourd’hui dans la danse de l’industrie. L’amidon de manioc, extrait à grande échelle, devient un composant stratégique pour les industries alimentaires, pharmaceutiques et textiles. On le retrouve dans les biscuits, les colles, les cosmétiques et même les papiers biodégradables.
L’alcool de manioc, ou encore le bioéthanol, commence à faire parler de lui. Certains pays d’Afrique de l’Est investissent dans des distilleries locales qui produisent un carburant propre à partir du manioc, alliant sécurité énergétique et respect de l’environnement.
Le pain de manioc : vers une révolution boulangère

À Abidjan, Lomé, Libreville ou Yaoundé, des boulangers audacieux innovent avec le pain à base de farine de manioc. Une alternative au blé, souvent importé à grand prix. Ce pain local séduit par sa texture moelleuse, sa richesse nutritionnelle et son prix abordable. Une manière de démocratiser la transformation et d’encourager la consommation locale.
Cosmétiques, chips, purée instantanée : les nouvelles déclinaisons

Avec l’avènement des micro-entreprises féminines et des incubateurs agri-tech, le manioc s’habille de modernité. Des chips de manioc croustillantes, des purées instantanées pour enfants, des crèmes capillaires naturelles à base d’amidon de manioc… L’innovation ne cesse de germer dans les esprits africains.
Plus qu’un tubercule, un levier de développement
Au cœur de ce mouvement, une conviction : la richesse de l’Afrique ne réside pas seulement dans ce qu’elle cultive, mais dans ce qu’elle transforme. Le manioc, cultivé par des millions de petits producteurs, devient une arme de souveraineté, de dignité et de prospérité.
L’Afrique n’a pas besoin de copier, elle a besoin de révéler ses ressources, ses savoir-faire, sa créativité. Le manioc le prouve, chaque jour, dans les champs comme dans les laboratoires, dans les foires agricoles comme dans les rayons de supermarchés.
Et si demain, la révolution économique africaine venait…d’une simple racine ?