Tensions croissantes entre éleveurs et agriculteurs au Cameroun

Contexte climatique et ressources en eau
La saison sèche, qui s’étend de novembre à mars, constitue une période critique pour les éleveurs et les agriculteurs au Cameroun. La raréfaction des ressources en eau intensifie les tensions entre ces deux groupes. L’Observatoire national sur les changements climatiques (Onacc) a récemment averti des risques accrus de conflits liés à l’accès à l’eau, en particulier dans des régions vulnérables comme l’Extrême-Nord et le Nord-Ouest.
Avec la diminution des pâturages et l’assèchement des points d’eau, la lutte pour ces ressources vitales devient de plus en plus féroce. Les zones proches des rares sources d’eau restantes voient leur tension grimper. Les éleveurs, principalement Arabes Choa, dépendent de ces ressources pour leurs troupeaux. En parallèle, les agriculteurs, notamment les Mousgoum, cherchent à irriguer leurs cultures. Cette concurrence crée un terreau fertile pour les conflits.
Les conséquences de cette pénurie touchent directement la sécurité alimentaire et la stabilité sociale. Les disputes ne se limitent pas à des incidents locaux. Elles soulignent des enjeux plus vastes quant à la gestion des ressources naturelles dans un pays où la croissance démographique accentue la pression sur des ressources déjà limitées.

Conflits ethniques et déplacements de population
Les tensions entre Mousgoum et Arabes Choa ne datent pas d’hier, mais ont considérablement augmenté ces dernières années. Entre 2021 et 2023, une douzaine de conflits liés à l’accès aux ressources a poussé environ 15 000 personnes à fuir leur domicile, d’après l’International Crisis Group. Ces confrontations, souvent empreintes de violences ethniques, mettent en lumière la fragilité des relations intercommunautaires.
Les Mousgoum, axés sur la pêche et l’agriculture, ont commencé à creuser des bassins dans les plaines inondables du fleuve Logone pour irriguer leurs cultures. Toutefois, cette initiative est perçue par les éleveurs comme une menace pour leurs bétail, entraînant des affrontements violents. Ces conflits dépassent le simple cadre de la gestion de l’eau. Ils s’enracinent dans des rivalités ethniques et des luttes pour le pouvoir et les ressources.
Bien que les autorités locales tentent de gérer ces tensions, leurs solutions restent souvent superficielles. Une approche durable, qui prenne en compte les causes profondes des conflits, est nécessaire. La gestion des ressources en eau et la médiation entre les communautés sont vitales pour prévenir une escalade de la violence.

Perspectives d’avenir et enjeux de la gestion des ressources
Face à cette crise, il est essentiel de repenser la gestion des ressources naturelles au Cameroun. Les experts s’accordent à souligner que des solutions durables doivent être envisagées pour apaiser les tensions entre éleveurs et agriculteurs. Des initiatives comme la création de zones de pâturage et d’irrigation partagées sont nécessaires, tout comme des programmes visant à encourager la coexistence pacifique.
Il est également crucial d’impliquer les communautés dans les décisions concernant l’utilisation des ressources. Les initiatives de gestion communautaire de l’eau peuvent favoriser le dialogue et réduire les conflits. De plus, des politiques publiques adaptées aux réalités locales sont indispensables pour garantir un accès équitable aux ressources.
Il est impératif d’intégrer la question de la sécurité alimentaire dans les discussions sur la gestion des ressources. Assurer l’accès à l’eau pour les éleveurs et l’irrigation pour les agriculteurs est fondamental pour la stabilité économique et sociale du pays. La saison sèche ne devrait pas devenir un déclencheur de conflits, mais plutôt une occasion de renforcer la résilience des communautés face aux défis climatiques.
Les tensions entre éleveurs et agriculteurs au Cameroun soulèvent des questions cruciales quant à la gestion des ressources naturelles et à la coexistence pacifique. Comment les autorités peuvent-elles prévenir ces conflits efficacement ? Quelles stratégies mettre en œuvre pour assurer un accès équitable à l’eau et aux pâturages ? Les réponses à ces interrogations détermineront l’avenir de ces communautés face aux défis croissants du changement climatique.