Par Prince Bertoua
Une vague toxique déferle sur l’Afrique de l’Ouest. Une drogue de synthèse bon marché, connue sous le nom de « Kush », fait des ravages en Sierra Leone, où elle est apparue, mais aussi au Liberia, en Guinée, en Guinée-Bissau et en Gambie. Très addictive et aux effets dévastateurs, elle se propage rapidement sur les marchés de la sous-région, alerte un rapport de l’Initiative globale contre le crime organisé transnational.
Une drogue à la composition meurtrière

Le Kush, souvent présenté comme une alternative abordable aux opioïdes traditionnels, est un mélange de substances hautement dangereuses. Composé de fentanyl, de tramadol, de cannabinoïdes de synthèse et parfois de produits chimiques industriels, il entraîne une dépendance rapide et une détérioration physique accélérée. Les consommateurs, majoritairement des jeunes défavorisés, sombrent dans une léthargie extrême, une perte de mémoire et des troubles neurologiques sévères.
« Nous avons des patients qui arrivent aux urgences avec des organes en décomposition avancée, parfois encore vivants », témoigne un médecin d’un hôpital de Freetown, en Sierra Leone. « Leur peau se détériore, leur souffle est court, et certains perdent la capacité de parler en quelques semaines. »
Une propagation inquiétante

Si la Sierra Leone reste l’épicentre de ce fléau, le Liberia, la Guinée et la Gambie voient leurs rues envahies par des jeunes en état de détresse avancée, prostrés dans les quartiers populaires. Le faible coût du Kush en fait une drogue particulièrement attractive pour les populations précarisées, tandis que son mode de distribution, via des réseaux criminels bien organisés, accélère son expansion.
« Nous avons intercepté plusieurs cargaisons à destination de Monrovia et Conakry », confirme un officier de la lutte antidrogue en Guinée. «
Mais pour chaque saisie, des dizaines de lots passent à travers nos mailles.
L’impuissance des autorités face au fléau

Face à cette épidémie silencieuse, les autorités sanitaires et policières des pays touchés peinent à réagir. En Sierra Leone, des centres de désintoxication improvisés accueillent des toxicomanes en manque, mais les moyens restent insuffisants.
« Nous sommes face à une crise humanitaire et de santé publique », alerte un responsable d’ONG basé à Freetown. «
Si rien n’est fait, cette drogue risque de décimer une génération entière.
Un défi pour toute la région

Alors que l’Afrique de l’Ouest lutte déjà contre les trafics de cocaïne et d’héroïne en provenance d’Amérique du Sud, l’arrivée d’une drogue de fabrication locale et à bas prix change la donne. Le Kush pourrait bientôt inonder d’autres pays de la CEDEAO, posant un défi sécuritaire et sanitaire majeur.
La communauté internationale, qui peine à surveiller l’émergence de nouvelles drogues de synthèse, devra agir rapidement pour éviter un scénario similaire à la crise des opioïdes aux États-Unis. En attendant, les rues de Freetown, Monrovia et Conakry continuent de témoigner du drame silencieux d’une jeunesse piégée par une addiction aussi brutale qu’irréversible.