Chômage des Docteurs au Cameroun : Un Cri de Désespoir

Un Contexte de Frustration et d’Inadéquation
Le 20 février 2025, devant le ministère de l’Enseignement supérieur à Yaoundé, près de 100 diplômés, dont une majorité de titulaires de doctorat, ont manifesté leur désespoir face à une situation d’emploi désastreuse. Ces candidats, membres du collectif des recalés du dernier recrutement dans les nouvelles universités d’État, ont afflué en toges, brandissant des pancartes dénonçant leurs conditions précaires. Leur exigence essentielle : la création d’une liste additive pour faciliter leur embauche.
Cette mobilisation s’inscrit dans un contexte beaucoup plus large, révélant des problématiques profondes au sein de l’enseignement supérieur au Cameroun. Les manifestants dénoncent des incohérences dans le processus de recrutement, soulignant l’inadéquation entre les profils des candidats retenus et les postes disponibles. Ils critiquent également la préférence affichée pour les fonctionnaires, reléguant au second plan ceux qui, après plusieurs années de recherche d’emploi, demeurent en marge du marché du travail.
Les témoignages recueillis illustrent une profonde frustration. Un manifestant, ayant soutenu sa thèse il y a quatre ans, a déclaré : « Nous avons consacré des années de notre vie à obtenir ce diplôme, et maintenant, nous sommes traités comme des citoyens de seconde zone. » Cette situation soulève des interrogations sur l’efficacité du système éducatif camerounais et sa capacité à préparer les diplômés à intégrer le marché du travail.

Les Réactions des Autorités et des Experts
En réponse à cette mobilisation, le ministre de l’Enseignement supérieur, Pr Jacques Fame Ndongo, a tenté de désamorcer la situation en dialoguant avec les manifestants. Cependant, son initiative a été jugée insuffisante par de nombreux diplômés. Le préfet du Mfoundi, Emmanuel Mariel Dikdent, a interdit la manifestation, évoquant le manque de reconnaissance juridique du collectif et des irrégularités dans les signatures des participants. Cette décision a été perçue comme une volonté de museler une voix réclamant justice.
Des experts en éducation, tels que David Eboutou, ont également exprimé leur inquiétude. Il a souligné que la politisation de l’université et le mépris pour le mérite sont des problèmes systémiques qui exacerbent le chômage des diplômés. Il appelle à une réforme en profondeur du système éducatif, insistant sur l’importance d’orienter l’éducation vers le développement et les besoins du pays.
Les critiques autour du système LMD (Licence, Master, Doctorat) se font également entendre. Armand Noutack II, ancien militant du MRC, a qualifié ce système de « plus gros mensonge du siècle » en matière d’emploi pour les diplômés. Selon lui, il est crucial de repenser l’école afin qu’elle réponde aux exigences du marché du travail et aux besoins de la société camerounaise.

Vers une Réflexion Collective et des Solutions Durables
La situation des docteurs chômeurs au Cameroun pose des questions essentielles sur l’avenir de l’enseignement supérieur et de l’emploi. Les manifestations du 20 février ne sont qu’un triste reflet de la détresse ressentie par des milliers de diplômés. Il devient urgent d’envisager une réforme structurelle du système éducatif. Les autorités doivent entendre les revendications des diplômés et œuvrer à des solutions qui favorisent leur intégration professionnelle.
Instaurer un dialogue entre diplômés, autorités éducatives et acteurs économiques est crucial. Ce dialogue pourrait inclure des programmes de mentorat, des stages rémunérés, et des partenariats avec le secteur privé pour faciliter l’accès à l’emploi. Par ailleurs, une évaluation des besoins en compétences dans différents secteurs permettrait d’aligner les formations avec les attentes du marché.
En somme, la situation des docteurs au Cameroun constitue un appel pressant à l’action. Les diplômés ne doivent pas rester les laissés-pour-compte d’un système qui semble privilégier le statu quo. Comment les autorités vont-elles gérer cette crise grandissante ? Quelles actions concrètes seront mises en œuvre pour éviter que les futurs diplômés ne se retrouvent dans une situation similaire ? Ces interrogations méritent d’être posées, car l’avenir de l’éducation et de l’emploi au Cameroun en dépend.