Par Prince Bertoua, spécialiste en investigations géopolitiques
Une série de documents confidentiels récemment fuités révèle un plan de contrôle stratégique des ressources minières de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) impliquant des forces armées étrangères et des groupes rebelles. Ces documents, estampillés « privé et confidentiel », émanent d’une organisation dénommée Alliance Fleuve Congo (AFC) et exposent une collaboration étroite entre le M23, l’armée rwandaise (RDF) et l’armée ougandaise (UPDF) pour garantir l’exploitation et l’exportation illicite de minerais rares.
Une opération militaro-économique bien orchestrée

Selon le rapport, les forces du M23, soutenues par la RDF et l’UPDF, ont déjà consolidé leur contrôle sur des zones minières clés du Nord-Kivu et de l’Ituri, riches en coltan, or et terres rares. Le document mentionne explicitement un objectif clair : « sécuriser et extraire les ressources minérales clés » tout en minimisant la surveillance extérieure.
Les fuites révèlent également un dispositif logistique bien structuré. Les routes d’exportation seraient discrètement sécurisées par la RDF et l’UPDF, facilitant ainsi l’acheminement des minerais vers les marchés régionaux et internationaux via le Rwanda et l’Ouganda. Les intermédiaires locaux, y compris des officiers militaires haut placés, seraient mobilisés pour blanchir ces transactions avant leur intégration dans les circuits de commerce internationaux.
Une volonté de neutraliser l’État congolais et la MONUSCO

L’un des points les plus troublants du document est la mention explicite de stratégies visant à affaiblir les capacités des Forces Armées de la RDC (FARDC) et de la mission des Nations Unies en RDC (MONUSCO). La stratégie décrite inclut notamment :
La désinformation pour détourner l’attention des activités illicites.
L’établissement d’alliances avec des figures politiques et commerciales influentes pour fragmenter le soutien international à la RDC.Un renforcement militaire supplémentaire de la part de la RDF et de l’UPDF pour consolider leur présence dans les territoires conquis.
Des signatures accablantes
Les documents portent les signatures de Bertrand Bisimwa, président du M23, ainsi que de Corneille Nangaa Yobeluo, présenté comme le coordinateur de l’Alliance Fleuve Congo. Ce dernier, ancien président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) en RDC, a récemment fait parler de lui pour ses liens présumés avec des groupes armés dans l’est du pays.
Le courrier est daté du 6 février 2025 et a été signé à Kigali, renforçant les soupçons sur l’implication active du Rwanda dans cette stratégie de déstabilisation de la RDC.
Une communauté internationale complice ou impuissante ?
Alors que ces révélations jettent une lumière crue sur l’exploitation illégale des ressources congolaises, la question qui demeure est celle de la réponse de la communauté internationale. Malgré les sanctions et les avertissements répétés, le commerce des minerais de conflits continue d’alimenter les guerres et la misère en RDC.
Si ces documents sont authentiques, ils constitueraient une preuve irréfutable d’un complot transfrontalier visant à piller les richesses congolaises sous couvert d’alliances politico-militaires. La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises et des instances internationales pour enquêter et agir.
En attendant, sur le terrain, ce sont toujours les populations congolaises qui paient le prix de cette guerre économique impitoyable. https://www.bbc.com/afrique/articles/c9r2ywx55y7o