Développement assuré en Afrique
En moins d’un an, l’Alliance des États du Sahel (AES), formée par le Burkina Faso, le Mali et le Niger, s’est imposée comme un laboratoire politique et économique inédit en Afrique de l’Ouest. Née d’une volonté d’émancipation face aux tutelles extérieures et aux ingérences géopolitiques, cette union marque un tournant décisif dans l’affirmation de la souveraineté de ces trois nations sahéliennes.
Derrière les déclarations politiques, les États membres de l’AES avancent à pas sûrs vers des transformations structurelles majeures. Sécurité, développement économique et intégration régionale sont désormais les piliers d’un projet qui bouscule les paradigmes traditionnels du continent. Décryptage des réalisations concrètes de cette alliance qui, à bien des égards, pourrait inspirer d’autres nations africaines.
Une Coopération Militaire Inédite : Vers une Autonomie Stratégique

Le défi sécuritaire a été le premier terrain de consolidation de l’AES. Face aux menaces terroristes qui ravagent le Sahel depuis plus d’une décennie, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont décidé de mutualiser leurs moyens militaires. Le retrait des forces françaises et la redéfinition des alliances stratégiques avec d’autres partenaires comme la Russie et l’Iran marquent un tournant majeur.
Le lancement d’un état-major conjoint et l’organisation d’opérations militaires transfrontalières coordonnées démontrent une nouvelle dynamique d’autonomie sécuritaire. Les récentes offensives menées sur le terrain ont permis de regagner du terrain face aux groupes armés et de sécuriser plusieurs zones autrefois sous forte pression djihadiste.
Cette approche rompt avec la dépendance aux forces extérieures et prouve que la coopération intra-africaine en matière de défense peut être une alternative efficace. L’AES redessine ainsi la carte des alliances militaires en Afrique, offrant une piste de réflexion pour d’autres blocs régionaux confrontés aux mêmes défis.
Une Stratégie Économique Audacieuse : Vers une Indépendance Monétaire

Sur le plan économique, l’AES ne cache pas ses ambitions : sortir de la tutelle monétaire imposée par le franc CFA et développer un modèle économique plus inclusif. Des discussions avancées sur la création d’une monnaie commune témoignent d’une volonté de rupture avec le modèle colonial qui limite leur marge de manœuvre économique.
Par ailleurs, les trois pays ont amorcé un processus de renforcement du commerce intra-AES, notamment par le développement d’infrastructures stratégiques comme des corridors routiers et ferroviaires. L’objectif est clair : réduire la dépendance aux circuits économiques contrôlés par les anciennes puissances coloniales et encourager une valorisation locale des ressources naturelles.
Dans cette optique, les États membres privilégient désormais les accords bilatéraux avec de nouveaux partenaires comme la Turquie, la Russie et la Chine, dans des domaines aussi variés que l’énergie, l’agriculture et les infrastructures. Le Burkina Faso et le Niger, riches en uranium, négocient des contrats plus avantageux, tandis que le Mali accélère l’exploitation et la transformation locale de son or.
Une Renaissance Institutionnelle et Politique

Sur le plan politique, l’AES s’impose comme un modèle d’affirmation de souveraineté. La sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO, bien que controversée, illustre leur détermination à rompre avec une institution jugée trop alignée sur les intérêts occidentaux. L’objectif est de bâtir une nouvelle architecture institutionnelle sous-régionale, fondée sur des principes adaptés aux réalités du Sahel.
En interne, ces États ont engagé des réformes visant à renforcer l’autonomie de gestion des ressources et à créer des politiques publiques plus adaptées aux besoins locaux. Au Burkina Faso, par exemple, le gouvernement de transition a intensifié ses efforts pour redynamiser l’agriculture et la sécurité alimentaire, en promouvant l’auto-suffisance plutôt que l’importation massive de denrées étrangères.
Un Modèle Inspirant pour l’Afrique ?
Si l’Alliance des États du Sahel continue sur cette lancée, elle pourrait bien devenir un exemple de rupture réussie avec les dépendances héritées de la colonisation. Son pragmatisme en matière de défense, d’économie et de gouvernance prouve que des alternatives africaines existent, et qu’un autre modèle de coopération est possible, loin des influences extérieures trop pesantes.
L’expérience de l’AES montre qu’il est possible pour les États africains de reprendre en main leur destin. Bien que les défis restent nombreux – notamment sur le plan politique et diplomatique –, les avancées observées en si peu de temps témoignent d’une transformation en profondeur.
L’Afrique doit-elle s’inspirer de cette dynamique pour envisager une refondation de ses structures régionales ? L’avenir nous le dira, mais une chose est sûre : le vent du changement souffle sur le Sahel, et il pourrait bien se propager bien au-delà.
https://www.l-integration.com/2025/01/30/laes-sort-officiellement-de-la-cedeao-ce-29-janvier-2025/