Un cri de rupture ou un pari risqué ?
Par Prince Bertoua
La scène politique congolaise s’enflamme une fois de plus. Dans une lettre adressée à la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et à la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et actuel leader de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), s’est fendu d’une déclaration lourde de sens. Selon lui, « nous ne sommes pas en guerre, ni en rébellion, mais nous sommes en révolution constitutionnelle ». Une formule aussi audacieuse que troublante, qui pose de nombreuses questions sur la dynamique politique actuelle en RDC.
Entre révolution et dissidence : la ligne floue de l’AFC

Corneille Nangaa ne fait pas mystère de ses intentions. En évoquant une « révolution constitutionnelle », il rejette l’étiquette de rébellion pour se positionner comme un acteur du changement institutionnel. Pourtant, le contexte de ses propos, alors que les tensions persistent à l’Est entre forces gouvernementales et groupes armés, laisse planer le doute : l’AFC, formation qu’il dirige, est-elle une nouvelle force politique d’opposition ou un ferment de contestation armée ?
Les mots sont pesés, mais le message est clair : Nangaa estime que le régime de Félix Tshisekedi est à l’origine d’une oppression généralisée qui pousse de nombreux Congolais, issus de toutes les provinces, à se soulever. Il se pose en porte-voix d’un mécontentement national et cherche ainsi à rallier une large frange de la population déçue par la gouvernance actuelle.
L’accusation explosive : Tshisekedi et l’exploitation des minerais stratégiques

Mais l’ancien patron de la CENI ne s’arrête pas là. Il frappe encore plus fort en affirmant que la guerre en RDC ne serait qu’un « stratagème lucratif » orchestré par Félix Tshisekedi et sa famille pour le contrôle des ressources minières. Une dénonciation qui, si elle était avérée, mettrait en lumière un système de prédation économique aux plus hauts sommets de l’État.
Dans le collimateur de Nangaa : l’exploitation des terres rares et des minerais stratégiques, notamment en Ituri, au Lualaba et à Rubaya, où il affirme que les sites sont accaparés par la famille présidentielle. Ce genre d’accusations, bien que difficiles à prouver sans enquête approfondie, trouve un écho auprès d’une population longtemps frustrée par la gestion opaque des richesses du pays.
Quel impact sur l’échiquier politique congolais ?
Les déclarations de Corneille Nangaa interviennent dans un contexte où le pouvoir de Félix Tshisekedi fait face à plusieurs défis : la persistance des conflits armés à l’Est, la question du processus électoral, et les tensions économiques croissantes. En s’attaquant frontalement au président, Nangaa cherche-t-il à fédérer une opposition structurée ou à fragiliser encore plus un État déjà sous pression ?
D’un côté, ses propos pourraient galvaniser certains milieux hostiles à Tshisekedi, notamment dans les provinces qui se sentent marginalisées. Mais d’un autre, en parlant de « révolution constitutionnelle », il risque d’être perçu comme un facteur d’instabilité par les partenaires internationaux et régionaux.
Entre dénonciation et instrumentalisation politique

Ces accusations contre Félix Tshisekedi rappellent d’autres épisodes de l’histoire politique congolaise, où les rivalités se cristallisent souvent autour du contrôle des ressources minières. Si l’enrichissement illicite des élites est une préoccupation légitime, la question est de savoir si Nangaa cherche réellement à éclairer l’opinion publique ou s’il prépare le terrain pour ses propres ambitions.
Pour l’heure, l’EAC et la SADC, destinataires de cette lettre, n’ont pas officiellement réagi. Mais une chose est sûre : cette sortie de Corneille Nangaa ne passera pas inaperçue. La RDC, déjà sous tension, pourrait voir se renforcer les fractures politiques, et ce, à quelques mois d’échéances majeures.
Affaire à suivre. https://x.com/YvesBuya1/status/1888274368502878568