Un Héritage Contrasté de 32 Ans de Pouvoir
Kinshasa, RDC – Pendant 32 ans, Mobutu Sese Seko, à la tête de ce qui était alors le Zaïre, a marqué le pays par un règne mêlant autoritarisme et ambition de modernisation. Alors que son héritage politique reste vivement débattu, les infrastructures et institutions créées sous son régime demeurent des témoins d’une époque où le rêve d’un grand Zaïre semblait à portée de main. Voici un regard analytique sur les principales réalisations du « Guide ».
Des infrastructures nationales audacieuses
Sous Mobutu, le Zaïre a connu des projets d’envergure qui ont modifié le paysage urbain et rural du pays. Parmi les plus notables, la route nationale Kinshasa-Kikwit, pierre angulaire du désenclavement, reste une prouesse technique pour l’époque. Le pont Maréchal Mobutu à Matadi symbolise également cette volonté de relier les populations et de stimuler le commerce.
Les aéroports internationaux de Goma, Kisangani (Bangoka) et Kavumu (Bukavu) témoignent de son ambition de positionner le Zaïre comme une plaque tournante régionale. Ces infrastructures, bien que nécessitant aujourd’hui des rénovations majeures, ont marqué un tournant dans la mobilité des Zaïrois.
Des cités à l’image du pouvoir
Les cités construites durant cette période, telles que la Cité de l’OUA (UA), la Cité Maman Mobutu, ou encore la Cité Salongo, reflètent une architecture monumentale et une esthétique destinée à magnifier le régime. La Cité de la Voix du Zaïre, abritant la RTNC, a contribué à renforcer la propagande d’État tout en modernisant le paysage médiatique.
Un secteur industriel ambitieux
L’implantation d’usines à Maluku et la création d’entreprises nationales telles que la SNEL, la REGIDESO, et la Gécamines visaient à faire du Zaïre une puissance industrielle. Des partenariats innovants ont permis le montage local de véhicules, une première en Afrique centrale.
Les compagnies maritimes et aériennes, notamment AIR-ZAÏRE, étaient des fleurons du transport zaïrois, incarnant un véritable prestige national.
L’éducation et la recherche
Mobutu a investi dans l’éducation, avec la création de nombreuses universités et instituts supérieurs, tels que l’Université Pédagogique Nationale (UPN), l’Institut Supérieur des Techniques Appliquées (ISTA), ou encore le campus de l’Université de Kinshasa (UNIKIN). Ces établissements, bien que fragilisés aujourd’hui, continuent de former une partie significative de l’élite congolaise.
Un legs controversé
Si les réalisations de Mobutu sont impressionnantes sur le papier, elles ont souvent été entachées par des problèmes de gestion, une centralisation excessive du pouvoir, et des détournements de fonds. Nombre de ces infrastructures sont aujourd’hui dans un état de délabrement, témoins silencieux d’un rêve brisé par la corruption et le népotisme.
En conclusion, Mobutu laisse derrière lui un double héritage : celui d’un bâtisseur qui a rêvé d’un grand Zaïre et celui d’un régime qui a vu ces réalisations s’effriter sous le poids d’une mauvaise gouvernance. Alors que la République démocratique du Congo cherche à se reconstruire, les leçons du passé résonnent comme un appel à des gouvernances plus responsables et inclusives.
Par Prince Bertoua, spécialiste des questions historiques et politiques en Afrique