Transition politique en Géorgie : enjeux européens
Un changement de cap : de l’europhilie à l’eurasisme
La Géorgie, au carrefour de l’Europe et de l’Asie, s’est longtemps distinguée comme un rempart pro-européen dans le Caucase. Toutefois, la passation de pouvoir imminente le 29 décembre 2024, avec l’élection de Mikhaïl Kavelashvili, pro-russe, en remplacement de Salomé Zourabichvili, suscite de vives inquiétudes sur l’avenir des relations avec l’Union européenne (UE). Ce tournant décisif pourrait marquer un repli des aspirations d’intégration géorgiennes.
Historiquement, la Géorgie s’est efforcée de se rapprocher de l’UE, notamment grâce à l’Accord d’Association signé en 2014. Cet accord a impulsé des réformes internes et a permis d’accroître le soutien économique du pays. Cependant, l’élection de Kavelashvili, dont les sympathies pour la Russie sont notoires, risque de brouiller cette dynamique. Les spécialistes, tels que Lukas Macek de l’Institut Jacques-Delors, mettent en garde contre un potentiel gel de la candidature géorgienne à l’UE, compliquant ainsi la situation politique.
Ce changement pourrait altérer la perception de la Géorgie au sein de l’UE. Les pays baltes, fermes face à la Russie, sont susceptibles de soutenir l’opposition pro-européenne. En revanche, des pays comme la Hongrie et la Slovaquie font preuve de prudence concernant les sanctions. Cette ambivalence au sein de l’UE pourrait fragiliser sa position face à Tbilissi.
Les enjeux de la légitimité politique
La légitimité du nouveau gouvernement géorgien représente un enjeu crucial pour l’UE. Les élections législatives du 26 octobre 2024, aboutissant à l’élection de Kavelashvili, soulèvent des interrogations. L’UE devra trancher : reconnaître ces résultats ou exiger de nouvelles élections. Cette décision risque d’influer sur la stabilité politique de la Géorgie et sur ses relations avec l’UE.
Si l’UE valide ces résultats, cela pourrait être perçu comme un soutien au régime pro-russe, démoralisant ainsi l’opposition pro-européenne. À l’inverse, un refus de reconnaissance pourrait accentuer les tensions et engendrer une instabilité accrue. Les leaders de l’opposition suivent de près la réaction de l’UE, qui pourrait façonner leur stratégie et leur capacité à mobiliser le soutien populaire.
Par ailleurs, l’UE pourrait être influencée par de plus larges considérations géopolitiques. La rivalité persistante avec la Russie dans le Caucase compliquera les décisions prises. Certains pays européens pourraient être enclin à adopter une posture plus conciliante envers le parti « Rêve géorgien », au risque de négliger l’opposition qui pourrait défendre les aspirations euro-atlantiques du pays.
Perspectives d’avenir : entre espoir et incertitude
Les perspectives pour la Géorgie et ses relations avec l’UE sont empreintes d’incertitude. La récente déclaration du gouvernement géorgien concernant une pause dans sa candidature à l’UE influence la dynamique à venir. La réaction de l’UE sera essentielle. Son aptitude à influer sur la politique intérieure dépendra de sa posture face à l’opposition pro-européenne.
Les répercussions de cette transition dépassent les frontières géorgiennes. Elles touchent à la capacité de l’UE à maintenir son influence dans une région convoitée par la Russie. La situation géorgienne pourrait servir de modèle pour d’autres nations envisagées par l’UE. La façon dont l’UE gérera cette crise déterminera sa crédibilité comme acteur clé dans le Caucase.
En définitive, la transition politique en Géorgie pourrait redéfinir profondément les relations entre Tbilissi et Bruxelles. Les décisions prises dans les mois à venir seront déterminantes, non seulement pour la Géorgie, mais aussi pour toute la région. L’UE saura-t-elle se montrer unie pour soutenir les aspirations démocratiques du peuple géorgien, ou laissera-t-elle ce pays au gré d’un gouvernement pro-russe ?