Analyse complète de la situation
L’examen du projet de nouvelle constitution par les deux chambres du Parlement gabonais, réunies en constituante du 12 au 22 septembre 2024, représente une étape cruciale dans la refonte du cadre institutionnel du Gabon, à la suite de la transition amorcée depuis le coup d’État d’août 2023.
Contexte politique et historique
Depuis la chute du régime d’Ali Bongo Ondimba, le pays est dirigé par le Comité de Transition et de la Restauration des Institutions (CTRI), sous la présidence de Brice Clotaire Oligui Nguema. Ce dernier avait promis une refonte complète du cadre institutionnel et une transition vers un système plus démocratique et inclusif. La révision constitutionnelle est au cœur de ce processus. Elle vise à répondre aux aspirations de la population et à apporter des solutions aux critiques formulées à l’encontre de la précédente Constitution, perçue comme trop favorable à la concentration du pouvoir exécutif.
Objectifs du projet de nouvelle constitution
Les autorités de transition ont mis en avant plusieurs objectifs pour cette révision :
Rééquilibrage des pouvoirs : L’une des principales critiques à l’égard du système politique précédent était l’omnipotence du pouvoir exécutif, concentré autour du président de la République. La nouvelle constitution devrait viser à mieux définir la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, pour éviter toute dérive autoritaire.
Renforcement des institutions démocratiques : La constitution devrait introduire des mécanismes garantissant une plus grande indépendance du Parlement et du pouvoir judiciaire. Il est également probable que des dispositifs soient mis en place pour assurer la transparence des élections, un point sensible dans l’histoire politique gabonaise.
Promotion des libertés et droits fondamentaux : Un autre volet crucial concerne les libertés civiles et les droits humains. La nouvelle constitution devrait renforcer les garanties en matière de droits de l’homme, de liberté d’expression, de presse et de manifestation, pour prévenir les abus du passé.
Limitation du mandat présidentiel : Cette question a souvent été au centre des débats politiques au Gabon. Le projet de constitution pourrait réintroduire une limitation stricte des mandats présidentiels, probablement à deux mandats consécutifs, avec des conditions strictes pour éviter toute manipulation du calendrier électoral, un problème récurrent en Afrique centrale.
Réformes économiques et sociales : Des réformes visant à garantir une meilleure répartition des richesses et une gestion plus transparente des ressources naturelles (notamment pétrolières) pourraient être incluses dans la nouvelle constitution, pour répondre aux attentes d’une population frustrée par les inégalités économiques.
Défis et points de tension
Opposition et participation citoyenne : Un des défis majeurs sera d’obtenir l’adhésion de la société civile et des forces politiques de l’opposition. Des consultations ont été menées, mais certaines parties de la population craignent que le processus de révision ne soit pas suffisamment inclusif. La légitimité du texte sera donc un enjeu central.
Pressions internationales : La communauté internationale, notamment les institutions comme l’Union africaine (UA) et les Nations Unies, observe attentivement ce processus. Le Gabon doit rassurer sur la volonté réelle de mener une transition démocratique et de respecter les engagements en matière de droits humains et de bonne gouvernance.
Transition et avenir politique de Brice Oligui Nguema : Le rôle du président de transition dans cette révision constitutionnelle est scruté de près. Si le projet de constitution introduit des réformes positives, la question reste de savoir si Oligui Nguema se présentera ou non à la prochaine élection présidentielle de 2025, malgré ses déclarations initiales sur son désintérêt pour une telle candidature.
Perspectives et scénario post-constitution
L’adoption de cette nouvelle constitution devrait théoriquement ouvrir la voie à l’organisation d’élections présidentielles, législatives et locales sous un cadre institutionnel réformé. Cependant, plusieurs questions restent en suspens :
- Le degré d’indépendance du futur organe chargé d’organiser les élections.
- La capacité des partis politiques à se réorganiser pour jouer un rôle central dans le processus électoral.
- La mise en œuvre effective des réformes promises.
En résumé, la période du 12 au 22 septembre 2024 sera déterminante pour le Gabon. La révision constitutionnelle est une opportunité de redéfinir le cadre politique du pays et d’en finir avec les dérives autoritaires. Toutefois, le succès de ce processus dépendra de l’adhésion de toutes les forces vives du pays et de la capacité des autorités à garantir un véritable débat démocratique.