Une pratique ancrée dans la culture
La polygamie, bien qu’illégale en République Démocratique du Congo (RDC), est une réalité pour environ 2% de la population. Cette pratique, souvent justifiée par des arguments culturels et religieux, trouve ses racines dans des traditions anciennes. Le pasteur Zagabe Chiruza, figure emblématique de l’Eglise primitive du Seigneur à Bukavu, défend ardemment cette institution, affirmant qu’elle est une vérité incontestable. Selon lui, la polygamie est un moyen d’éviter l’adultère, une position qui résonne avec les croyances de certains Congolais qui se considèrent bénis de Dieu pour avoir plusieurs épouses.
Cette vision est cependant contestée par d’autres voix, comme celle du curé catholique Raymond Kongolo, qui souligne que la polygamie est une institution humaine, non divine. Ce débat met en lumière la complexité des croyances et des pratiques au sein de la société congolaise, où les traditions culturelles coexistent avec des valeurs modernes. Les figures bibliques, souvent citées pour justifier la polygamie, renforcent cette perception, créant un cadre où la pratique est à la fois acceptée et critiquée.Les femmes, quant à elles, expriment des sentiments ambivalents à l’égard de la polygamie. Des témoignages comme ceux de Rakel et Yaëlle montrent qu’il peut exister une certaine harmonie dans ces arrangements, même si des tensions sociales sont également présentes. Nicolas Lubala, un critique de la polygamie, évoque cette déviation des mœurs, soulignant les défis que cela pose pour les relations familiales et la dynamique de pouvoir au sein des foyers.
Le cadre légal et les débats contemporains
Le débat sur la polygamie en RDC est intensifié par des discussions récentes au sein de l’Assemblée nationale. En mai 2023, le député Daniel Mbau a proposé une réforme du code de la famille, soulevant la question de la polygamie. Bien que la Constitution stipule que le mariage est monogamique, des voix comme celle du député Charles Nawej soutiennent qu’il est nécessaire d’inclure la polygamie dans le droit familial, en raison du déséquilibre numérique entre hommes et femmes dans le pays.Cette proposition de loi, bien que déclarée recevable, est controversée. Des figures religieuses, comme le pasteur Jérémie Marcello Tunasi, s’opposent fermement à la polygamie, affirmant que le modèle divin du mariage est celui d’un homme pour une femme. Ce clivage entre les opinions religieuses et culturelles souligne la complexité de la question, où les traditions ancestrales se heurtent aux lois modernes.Les implications de cette réforme pourraient être profondes. Si la polygamie était acceptée, cela pourrait transformer les relations familiales, en redéfinissant les rôles et les responsabilités au sein des foyers.
Cependant, des voix comme celles de Geneviève Inagosi, qui plaide pour l’introduction de la polyandrie, mettent en garde contre les dangers sociaux de la polygamie, notamment la prolifération des enfants dans la rue. Ces préoccupations soulignent la nécessité d’une approche équilibrée et réfléchie dans le débat sur la polygamie.
Conséquences sociales et perspectives d’avenir
La polygamie, en tant que pratique sociale, a des répercussions significatives sur les relations familiales et la structure sociale en RDC. D’une part, elle peut renforcer les liens entre les membres d’une même famille élargie, en favorisant la solidarité et le soutien mutuel. D’autre part, elle peut également engendrer des tensions, des rivalités et des conflits, notamment entre coépouses, ce qui peut affecter le bien-être des enfants et la stabilité familiale.Les critiques de la polygamie, comme l’avocat Vianney Kanku, soulignent que cette pratique pourrait être discriminatoire envers les femmes, en renforçant des dynamiques de pouvoir inégales. De plus, l’absence de régulation légale pourrait exacerber les problèmes sociaux, notamment en matière de droits des femmes et d’éducation des enfants. La question de la polygamie ne peut donc être dissociée des enjeux plus larges de la société congolaise, tels que l’égalité des sexes et le développement social.
À l’avenir, le débat sur la polygamie en RDC continuera d’alimenter les discussions parmi les femmes et les défenseurs des droits. Les choix politiques et législatifs qui seront faits auront des conséquences durables sur la structure familiale et les relations sociales. La société congolaise est à un carrefour, où les traditions doivent être réévaluées à la lumière des valeurs modernes et des droits humains. Comment la RDC pourra-t-elle naviguer entre ses traditions culturelles et les exigences d’une société en évolution ?