Analyse et perspectives
La session ordinaire de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) tenue à Franceville le 2 octobre 2024 a mis en lumière les défis économiques et monétaires auxquels fait face la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Ce bloc régional, composé de six pays (Cameroun, Gabon, Tchad, République Centrafricaine, Congo, Guinée équatoriale), partage une monnaie commune, le Franc CFA BEAC, ainsi qu’une politique monétaire coordonnée sous la supervision de la BEAC.
Voici les points majeurs et les problématiques analysées :
Inflation et Pression Monétaire
L’un des principaux défis discutés est l’inflation persistante dans la zone CEMAC. L’inflation est principalement due à l’augmentation des prix mondiaux des matières premières, aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale, ainsi qu’à la dépréciation du Franc CFA par rapport à certaines grandes devises comme l’euro et le dollar. La BEAC se retrouve donc dans une situation délicate : elle doit équilibrer le soutien à la croissance économique tout en contrôlant la hausse des prix pour éviter une érosion du pouvoir d’achat.
Réserves de Change et Dépendance aux Exportations
La CEMAC dépend fortement des exportations de pétrole et de matières premières pour ses réserves de change. Cependant, la baisse des prix mondiaux du pétrole et la diversification insuffisante des économies nationales pèsent sur la stabilité des réserves. Cette volatilité dans les revenus pétroliers continue de compromettre la capacité des États à maintenir des équilibres budgétaires durables, un enjeu crucial débattu lors de la session. L’un des objectifs de la BEAC est de renforcer ces réserves pour garantir une marge de manœuvre monétaire, mais cela nécessite des réformes structurelles dans les États membres.
Reformes de Gouvernance et Intégration Régionale
Les discussions ont aussi porté sur la nécessité d’accélérer les réformes de gouvernance économique dans les États membres. Plusieurs pays de la CEMAC souffrent d’une gestion budgétaire déficiente, de niveaux de corruption élevés, et d’un environnement des affaires peu attractif pour les investissements étrangers. Des mesures pour une meilleure transparence et gestion des finances publiques ont été soulignées, avec l’appui du FMI et d’autres partenaires financiers.
L’intégration régionale, qui reste faible, fait également partie des priorités. Les États doivent harmoniser leurs politiques fiscales, commerciales, et investir dans les infrastructures transnationales pour favoriser un marché commun dynamique. La BEAC a réitéré la nécessité de renforcer l’interconnexion économique pour maximiser les échanges intra-CEMAC.
Taux d’Intérêt et Dynamique Monétaire
Face à l’inflation et aux tensions budgétaires, la politique de taux d’intérêt a été abordée. La BEAC, pour maintenir la stabilité macroéconomique, a adopté une politique prudente d’augmentation des taux directeurs ces dernières années. Toutefois, cette mesure a un impact négatif sur l’accès au crédit pour les petites et moyennes entreprises (PME), freinant l’investissement local. Le débat a donc porté sur comment concilier la stabilité monétaire avec le soutien à l’activité économique, notamment en favorisant l’accès des PME au financement.
Transition Énergétique et Développement Durable
Avec la nécessité mondiale de réduire la dépendance aux énergies fossiles, la CEMAC est confrontée à une double problématique : diversifier son économie tout en menant une transition énergétique. Le passage à des sources d’énergie renouvelable représente un défi de taille, car l’essentiel des revenus gouvernementaux provient encore du secteur pétrolier. Des stratégies de transition énergétique respectueuses des impératifs économiques régionaux sont à l’étude, bien qu’elles nécessitent des investissements colossaux.
Contexte Géopolitique et Sécurité
Les instabilités politiques et sécuritaires, particulièrement au Tchad, en République centrafricaine et au Cameroun (avec la crise anglophone), pèsent sur les perspectives économiques de la région. Ces conflits compromettent non seulement la croissance, mais aussi la mise en œuvre efficace des réformes. Les discussions à Franceville ont aussi porté sur le rôle de la BEAC dans l’appui aux États pour stabiliser leurs économies face à ces chocs.
Conclusion et Perspectives
La session de Franceville a mis en avant la complexité des défis auxquels fait face la CEMAC. Bien que la BEAC ait affiché une certaine résilience dans sa gestion de la monnaie et des réserves de change, les efforts pour stabiliser les économies des États membres doivent s’accompagner de réformes structurelles profondes. L’avenir de la zone monétaire dépendra de la capacité des pays à diversifier leurs économies, améliorer la gouvernance, et renforcer l’intégration régionale tout en maintenant une stabilité monétaire.