Huit jours après le scrutin présidentiel du 13 octobre, le Cameroun retient son souffle. Selon les résultats provisoires issus de la Commission nationale de recensement des votes, le président sortant Paul Biya aurait remporté l’élection avec entre 53 et 54 % des suffrages, devant son principal challenger, Issa Tchiroma Bakary, crédité de 44 à 46 %. Ces chiffres, transmis au Conseil constitutionnel, marqueraient une nouvelle victoire pour le RDPC, au pouvoir depuis plus de quatre décennies.
Mais du côté de l’opposition, le ton monte. Issa Tchiroma Bakary, leader du Front pour la Démocratie et le Progrès (FDP) et ancien ministre de la Communication, rejette catégoriquement ces résultats, qu’il qualifie de « mascarade électorale ». Selon son propre centre de compilation, fondé sur des procès-verbaux collectés dans plusieurs régions, il serait arrivé en tête avec environ 60 % des voix.
« Nous détenons des preuves irréfutables montrant que la majorité des suffrages exprimés s’est portée sur ma candidature. Les résultats publiés par la Commission sont manipulés », a-t-il déclaré ce lundi à Yaoundé, devant un parterre de journalistes et de militants en liesse.
Un scrutin sous tension et des soupçons persistants

Le scrutin s’est déroulé dans un climat tendu, marqué par une forte abstention, des retards dans la distribution du matériel électoral et des incidents isolés dans certaines zones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Des observateurs nationaux évoquent des irrégularités dans plusieurs bureaux de vote, notamment des procès-verbaux non signés et des bourrages d’urnes.
Du côté du gouvernement, la réaction se veut ferme. Le porte-parole du RDPC a salué une « victoire claire et démocratique du peuple camerounais », tout en fustigeant ce qu’il appelle des « accusations irresponsables et dangereuses » de la part de l’opposition.
Le Conseil constitutionnel en arbitre final

Conformément à la Constitution, les résultats définitifs doivent être proclamés par le Conseil constitutionnel dans les prochains jours. Ce dernier devra examiner les recours déposés par Issa Tchiroma et plusieurs autres candidats dénonçant des irrégularités graves.
Les regards sont désormais tournés vers cette instance, souvent perçue comme proche du pouvoir. Pour de nombreux observateurs, le verdict du Conseil constitutionnel sera un véritable test de la crédibilité du processus électoral dans un Cameroun à la croisée des chemins, entre stabilité institutionnelle et aspirations profondes au changement.
Un pays entre espoir et méfiance

Dans les rues de Yaoundé comme à Douala, les Camerounais oscillent entre résignation et espoir. Certains saluent la continuité d’un régime garant de stabilité, d’autres réclament une alternance jugée nécessaire pour sortir d’une gouvernance à bout de souffle.
« On veut juste que la vérité des urnes soit respectée », confie Michel, un commerçant du marché Mokolo.
Alors que le pays s’enfonce dans une nouvelle bataille politique et judiciaire, l’Afrique entière observe. L’issue de cette présidentielle pourrait bien redéfinir l’avenir du Cameroun et l’équilibre des forces en Afrique centrale.


