Moïse Katumbi demeure l’une des personnalités les plus éminentes de la scène politique congolaise. Longtemps envisagé comme l’incarnation d’une relève politique prometteuse, son parcours, bien que spectaculaire, révèle des choix stratégiques dont la précipitation a progressivement compromis sa crédibilité et ses ambitions présidentielles. Son récent rapprochement avec Joseph Kabila illustre, selon nombre d’observateurs, la troisième erreur politique majeure de son itinéraire.
Première erreur : rompre avec celui qui l’avait élevé

En 2015, gouverneur du Katanga et proche collaborateur de Joseph Kabila, Katumbi choisit de rompre avec son mentor pour dénoncer le projet de troisième mandat présidentiel. Bien que louable sur le plan éthique, cette rupture se révèle politiquement prématurée. La riposte de Kabila est immédiate : poursuites judiciaires, condamnation et exclusion de la présidentielle de 2018. Ainsi, Katumbi perd la confiance d’un allié puissant et se voit contraint à l’exil, sous-estimant la valeur primordiale de la loyauté dans le jeu politique congolais.
Deuxième erreur : l’indécision stratégique

À son retour sur la scène politique, Katumbi multiplie les alliances sans jamais les assumer pleinement. Il soutient Martin Fayulu en 2018, puis se rapproche de Félix Tshisekedi après la victoire de ce dernier. Ses collaborateurs intègrent les institutions gouvernementales, mais Katumbi demeure prudent, préparant son retour à l’opposition. Cette posture ambiguë érode sa crédibilité : il perd la confiance des camps qu’il côtoie et se voit affublé de l’étiquette d’homme politique versatile. L’échec électoral de 2023 en est la conséquence tangible.
Troisième erreur : une réconciliation hasardeuse

À la suite de sa défaite, Katumbi surprend en acceptant la main tendue de Joseph Kabila et en participant à la formation du mouvement « Sauvons la RDC », coalition censée unifier l’opposition. Mais cette alliance soulève de sérieuses interrogations. Kabila, fin stratège, pourrait tirer parti de ce rapprochement pour reconsolider son influence sur ses anciens cadres et réseaux. Nombreux sont ceux qui doutent de la sincérité de cette réconciliation : la trahison passée demeure présente dans les mémoires, et la perspective d’une cession pacifique du pouvoir présidentiel semble improbable.
Analyse : un fil conducteur, la précipitation

Ces trois écueils révèlent une constante : l’impatience. Katumbi a confondu vitesse et stratégie :
Quitter Kabila prématurément l’a exposé,Se distancier trop tôt de Tshisekedi l’a isolé,Se rapprocher tardivement de Kabila l’a fragilisé.L’image de l’homme d’affaires rassembleur se voit ainsi éclipsée par celle d’un politicien versatile. Dans un pays où fidélité et constance priment sur la seule popularité, Katumbi voit son aspiration présidentielle s’éloigner.
Conclusion

Le parcours de Moïse Katumbi demeure remarquable, mais il illustre à la perfection les écueils de la politique congolaise : alliances opportunistes, calculs personnels et impatience stratégique. Pour espérer recouvrer son influence, il devra reconstruire sa crédibilité sur le long terme, avec constance et loyauté. Dans l’histoire récente de la RDC, ceux qui ont voulu hâter leur ascension se sont souvent égarés.


