L’histoire politique de Madagascar vient de tourner une nouvelle page, écrite à la hâte, dans la poussière rouge des rues d’Antananarivo et le grondement des foules fatiguées. Ce 17 octobre, le colonel Michael Randrianirina a prêté serment comme Président de la République de Madagascar, au lendemain d’une prise de pouvoir qui a surpris le monde, mais que beaucoup ici voient comme une délivrance.
Un homme de l’armée au service d’un peuple en colère

Le colonel Michael Randrianirina n’est pas un inconnu dans les rangs de l’armée malgache. Commandant respecté du CAPSAT, l’unité d’élite des forces armées, il s’est forgé une réputation d’homme rigoureux, discret, mais profondément attaché à la discipline et à la nation.
Né dans le sud du pays, dans la région d’Androy, il a gravi les échelons à la force du mérite, avant de devenir gouverneur local puis figure montante de la hiérarchie militaire.
Lorsque les manifestations de la jeunesse la fameuse « génération Z » malgache ont secoué la capitale, excédée par les coupures d’électricité, les pénuries d’eau et la pauvreté endémique, c’est son nom qui est revenu dans les murmures des casernes.Le 14 octobre, il a franchi le pas : l’armée a pris le contrôle du pays, renversant le président Andry Rajoelina. Trois jours plus tard, le colonel Randrianirina s’installait à la tête de l’État.
Un serment, une promesse et un tournant

Dans la grande salle du palais d’État, c’est un homme au visage grave, vêtu d’un simple costume sombre, qui s’est avancé devant la Cour constitutionnelle.
« Le peuple malgache mérite mieux que la résignation. Aujourd’hui, nous reprenons notre destin en main », a-t-il déclaré, la main posée sur la Constitution.
Son discours, court mais intense, a résonné comme un cri du cœur : celui d’un officier qui se veut à la fois protecteur et réformateur.
Randrianirina promet une transition de 18 à 24 mois, avant un retour aux urnes. D’ici là, il dit vouloir concentrer ses efforts sur les urgences sociales : l’énergie, l’eau, la lutte contre la corruption et la refondation de l’administration.
Un programme ambitieux, mais qui devra se confronter à la réalité d’un pays où 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Entre espoir populaire et méfiance internationale

Dans les rues d’Antananarivo, les réactions oscillent entre euphorie et prudence.
« Au moins, quelqu’un nous écoute enfin », confie Saholy, étudiante en économie, un drapeau malgache noué autour du cou. D’autres, plus sceptiques, redoutent un retour aux années sombres des putschs militaires qui ont jalonné l’histoire du pays depuis 1972.
La communauté internationale, elle, n’a pas tardé à réagir.
L’Union africaine a suspendu Madagascar de ses instances, dénonçant un « changement inconstitutionnel de pouvoir ». Washington et Bruxelles appellent à la retenue.
Mais à Antananarivo, le nouveau chef d’État semble imperturbable. « Nous sommes prêts à discuter avec tous ceux qui respectent la souveraineté de notre nation », a-t-il répondu, dans une allocution diffusée à la télévision publique.
Un homme entre deux mondes

Michael Randrianirina intrigue.
Militaire de formation, il se présente pourtant comme un homme du peuple. À la solennité du commandement, il ajoute la sobriété du civil, cherchant à effacer les frontières entre les casernes et les villages.
Ses premiers gestes présidentiels ont été symboliques : réduction du cortège officiel, annulation d’une série de contrats publics jugés « inutiles », et promesse de transparence budgétaire.
Derrière sa voix calme, on devine un homme en mission, conscient de marcher sur un fil entre légitimité et défiance.
Son défi ? Convaincre le monde que son arrivée au pouvoir n’est pas un coup d’État de plus, mais le début d’un redressement national.
Madagascar, au seuil d’un nouvel horizon
Sous le soleil éclatant de l’île rouge, l’heure est aux attentes.Les regards se tournent vers celui qui, en quelques jours, est passé du statut d’officier loyal à celui de président d’une nation blessée.
Les promesses abondent, mais le peuple malgache, lucide et patient, sait que les lendemains d’espoir exigent toujours la rigueur des actes.
Dans les rues d’Antananarivo, un jeune manifestant brandit encore une pancarte :
« Nous ne voulons pas un sauveur. Nous voulons un avenir. »
C’est peut-être là tout le sens du moment.
Michael Randrianirina, le colonel devenu président, a désormais entre ses mains plus qu’un pouvoir : une responsabilité historique. Celle de prouver qu’un uniforme peut, parfois, cacher un cœur civil.


