Droit à réparation au Gabon : un droit méconnu

Un cadre légal insuffisant
Au Gabon, le droit à réparation pour les victimes de détentions abusives est inscrit dans le Code de procédure pénale. Les articles 146 à 148 précisent ce droit. L’article 146 indique clairement qu’une personne détenue à tort a droit à une indemnisation. Pourtant, sur le terrain, la situation est préoccupante. De nombreux acquittés, après des années de détention préventive, ignorent qu’ils peuvent réclamer réparation pour les préjudices subis.
Cette méconnaissance est aggravée par une indifférence administrative dans le traitement des demandes d’indemnisation. La commission spéciale de la Cour de cassation, chargée d’examiner ces requêtes, peine à informer efficacement les justiciables. Par conséquent, les victimes demeurent dans l’ignorance, un véritable obstacle à l’accès à la justice.
De plus, le délai limité de six mois pour déposer une demande, stipulé à l’article 147, représente une contrainte supplémentaire. Beaucoup d’acquittés, souvent désargentés après des années de détention, manquent de ressources et de soutien pour affronter ce processus complexe. Cette situation interroge sur l’efficacité du cadre légal en place et la volonté des autorités de défendre les droits des citoyens.

Un manque de transparence et de suivi
Un autre aspect préoccupant du droit à réparation au Gabon réside dans le manque de transparence du processus d’indemnisation. Les audiences se tiennent à huis clos, rendant difficile tout contrôle public et sapant la confiance des citoyens dans le système judiciaire. Les décisions de la commission, souvent non motivées, laissent les acquittés dans le flou quant aux raisons pour lesquelles leur demande a été acceptée ou refusée.
Cette opacité alimente un profond sentiment d’injustice parmi les victimes, qui se sentent abandonnées par un système censé les protéger. Le ministre de la Justice, Dr Séraphin Akuré-Davain, a été interpelé à ce sujet, mais ses réponses restent vagues. Les critiques du Conseil supérieur de la magistrature, jugé complice, soulignent l’urgence d’une réforme. Sans une volonté politique réelle pour rendre le processus d’indemnisation plus ouvert et accessible, les discours sur une justice équitable demeureront vides de sens.
Il est crucial de rappeler que la confiance des citoyens dans la justice est un pilier fondamental de la démocratie. En l’absence de mesures efficaces pour améliorer la transparence et le suivi des demandes d’indemnisation, le risque est grand de voir les victimes fuir le système judiciaire, renforçant ainsi le cycle de méfiance et d’injustice.

Appels à l’action et perspectives d’avenir
Face à ce constat alarmant, plusieurs voix s’élèvent pour réclamer une réforme urgente du système d’indemnisation au Gabon. Les experts et les défenseurs des droits humains insistent sur la nécessité d’informer les justiciables de leurs droits, de rendre publiques et motivées les décisions d’indemnisation, ainsi que de créer un fonds d’indemnisation facile d’accès. Ces actions pourraient réparer les injustices passées et prévenir de futures violations des droits humains.
Les témoignages d’acquittés, souvent réduits à la mendicité après des années d’enfermement, soulignent l’urgence d’une action concrète. Ces personnes, privées de liberté sans raison valable, méritent une réparation rapide et efficace. Le droit à réparation ne devrait pas être une simple mention légale, mais bien une réalité pour ceux qui ont souffert des abus du système judiciaire.
En conclusion, la justice gabonaise doit prendre des mesures pour restaurer la confiance des citoyens. Les réformes nécessaires ne doivent pas être considérées comme une option, mais comme une obligation morale et légale. La société civile, les médias et les acteurs politiques doivent unir leurs efforts pour promouvoir ces changements. Sinon, le droit à réparation demeurera inconnu et inapplicable, et les discours sur la justice équitable continueront de résonner comme des promesses non tenues.


