Le chef de l’État veut (encore) « sauver » la Côte d’Ivoire
Le 29 juillet 2025, dans une vidéo mise en ligne, le président Alassane Ouattara a confirmé ce que d’aucuns redoutaient : il briguera un quatrième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire. “L’expérience face aux défis”, clame-t-il, en promettant une transition générationnelle… qu’il semble pourtant repousser une fois de plus.
À 83 ans, l’homme fort d’Abidjan veut encore jouer les sauveurs, invoquant les menaces terroristes, l’instabilité économique mondiale et les incertitudes monétaires. Mais derrière ce discours lisse et rodé se cache une crainte grandissante : celle de voir la Côte d’Ivoire replonger dans des tensions politiques aux conséquences incalculables.
Une démocratie mutilée, des adversaires neutralisés

Car si Ouattara est libre de se porter candidat, d’autres n’en ont pas eu le droit. Le rejet des candidatures de figures majeures comme Laurent Gbagbo, ancien président, ou Tidjane Thiam, perçu comme un espoir pour la jeunesse ivoirienne, révèle un jeu électoral pipé. Le Conseil constitutionnel, perçu par l’opposition comme inféodé au pouvoir, a procédé à une épuration politique savamment orchestrée.
Et ce verrouillage nourrit une frustration populaire croissante. Car en neutralisant ces candidatures, le régime a non seulement affaibli le pluralisme, mais aussi mis en péril la légitimité même du processus. Quelle paix peut naître d’une élection où l’essentiel de la compétition est éliminé avant le premier tour ?
Un pays sous tension, un avenir incertain

Le risque n’est pas simplement symbolique. L’histoire ivoirienne récente a prouvé que chaque élection contestée – 2000, 2010, 2020 – s’est soldée par des violences. La mémoire des morts post-électorales est encore vive. Et si le pouvoir persiste à imposer un simulacre de démocratie, la rue pourrait de nouveau parler, avec son lot d’instabilité, d’affrontements, et de victimes.
La candidature de Ouattara, loin de rassurer, ravive les clivages, réveille les rancœurs et radicalise une partie de l’opinion. La jeunesse, exclue du débat, y voit le symptôme d’un système fermé. La société civile, elle, redoute une campagne verrouillée, sans débat réel, où le résultat serait joué d’avance.
Quand l’expérience devient prétexte à confiscation

Si l’expérience est une richesse, elle ne doit pas devenir un prétexte à l’éternisation. Après quatorze ans de pouvoir, Alassane Ouattara avait l’opportunité de montrer l’exemple en assurant un passage de témoin apaisé. Au lieu de cela, il semble céder aux logiques de conservation du pouvoir qui gangrènent de nombreuses démocraties africaines.
En se représentant une fois de plus, tout en bloquant l’émergence de nouvelles figures, le président ivoirien hypothèque la confiance populaire, compromet la réconciliation nationale et fait courir à la Côte d’Ivoire le risque d’un nouveau cycle de violences.
En définitive, la démocratie ivoirienne ne peut être réduite à une élection sans adversité réelle. Le peuple ne demande pas l’impossible, seulement la justice électorale, l’égalité des chances politiques et la reconnaissance de ses voix multiples. Et si la candidature de trop devait embraser le pays, l’Histoire saura où chercher les responsabilités.


