Récentes démissions politiques au Nord du Cameroun : enjeux et impacts

Contexte des démissions : un système à bout de souffle
Les démissions récentes de figures politiques influentes, dont Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de l’Emploi, et Bello Bouba Maïgari, ministre d’État, indiquent une évolution majeure dans le paysage politique du Cameroun. Le politologue Owona Nguini interprète ces départs non pas comme un signe de vitalité démocratique, mais comme les symptômes d’un « système politique à bout de souffle ». Ces démissionnaires, tout en tentant de se distancier du régime de Paul Biya, sont en réalité comptables de son bilan. Leur départ pourrait ressembler à une « recomposition de façade », sans remettre en question les logiques tribalo-politiques profondément ancrées dans le pays.
Le Cameroun a une histoire marquée par des démissions de ministres, mais celles-ci étaient rares sous Biya. La démission de Tchiroma, suivie de celle de Bouba, pourrait toutefois signaler une fragilisation du soutien du régime dans le Grand Nord, région traditionnellement acquise au pouvoir. Les tensions au sein du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) se multiplient, faisant de ces démissions un cri d’alarme face à un régime en déclin.
Les propos de figures politiques comme Hervé Emmanuel Nkom, membre du RDPC, soulignent que ces démissions relèvent davantage de rivalités personnelles que d’une réelle volonté de changement. Pour Nkom, il s’agit d’une « surenchère » politique, où les ambitions individuelles surpassent les intérêts collectifs. Cette dynamique interne menace de fragmenter davantage un RDPC déjà en proie à des luttes de pouvoir.

Réactions et implications pour le régime de Paul Biya
Les réactions à ces départs révèlent une fracture au sein du paysage politique camerounais. Jean-Pierre Bekolo, activiste politique, qualifie ces démissions d’actes de lucidité, indiquant que l’image de Paul Biya ne parvient plus à maintenir l’équilibre au sein du parti. Il met en garde contre un destin similaire à celui d’autres pays africains où la concentration du pouvoir a mené à des crises majeures. La démission de Tchiroma, ancien fervent défenseur de Biya, soulève des doutes sur la crédibilité des soutiens du régime.
Le journaliste Luc Perry Wandji identifie trois enjeux liés à ces démissions : l’aspiration de rupture des populations du Grand Nord, la confusion parmi les alliés du pouvoir et l’influence des services secrets français dans le processus électoral. Ces éléments mettent en lumière l’importance de la dynamique régionale à l’approche des élections présidentielles de 2025. La candidature de Tchiroma pourrait, en outre, fragmenter le vote dans une région clé, renforçant les chances d’une opposition unie.
Les départs de Tchiroma et Bouba pourraient aussi redéfinir les alliances politiques. Guibai Gatama, accolade influente au Grand Nord, a récemment accueilli des membres d’autres partis, suggérant une ouverture au dialogue et à la coopération. Ce mouvement pourrait catalyser le changement tout en affaiblissant le régime déjà contesté de Biya.

Vers une nouvelle ère politique ?
Les démissions récentes pourraient ouvrir la voie à une nouvelle ère politique au Cameroun. Parfait Mbvoum, Président National du Forum Républicain, qualifie la démission de Tchiroma d’acte courageux, sur le point de provoquer d’autres leaders à suivre son exemple. Ce mouvement pourrait inciter davantage de personnalités politiques à se détourner du RDPC, amorçant une contestation plus large contre le régime de Paul Biya. La jeunesse camerounaise, avide de changement, aura également un rôle essentiel dans cette évolution.
Les prochains événements, notamment le congrès de l’UNDP et les élections présidentielles de 2025, seront cruciaux pour l’avenir politique du pays. La capacité des institutions à organiser des élections libres et respectées, affranchies de l’ombre de Biya, reste en question. Une interrogation persiste : le Cameroun est-il prêt à embrasser un changement significatif, ou continuera-t-il à subir les logiques politiques du passé ?
En somme, les démissions de Tchiroma et Bouba ne sont pas de simples événements isolés, mais de véritables indicateurs d’une crise profonde au sein du régime de Paul Biya. À l’approche des élections de 2025, ces mouvements pourraient remodeler le paysage politique camerounais, introduisant de nouvelles dynamiques et la promesse d’un changement de régime.


