L’ancien président congolais Joseph Kabila a brisé un long silence ce 23 mai 2025, dans un discours aussi solennel que percutant, à la suite de la levée controversée de son immunité parlementaire par le Sénat. Dans une déclaration qui résonne comme une contre-offensive politique, l’homme fort de la RDC de 2001 à 2019 s’est dressé contre ce qu’il qualifie de « dérive autoritaire » du pouvoir en place, dénonçant une « démocratie confisquée par une présidence gloutonne de pouvoirs ».
Un discours-choc dans un climat de tension

Revenu d’un exil discret, Joseph Kabila s’est exprimé devant une foule de partisans et de journalistes, l’œil sombre et la voix posée. « La République démocratique du Congo est en train de basculer dans une dictature. Le Parlement, jadis temple du peuple, est désormais une caisse de résonance d’un exécutif enivré de contrôle total », a-t-il lancé.
Cette sortie publique intervient quelques jours après la levée de son immunité par les sénateurs, ouvrant la voie à de potentielles poursuites judiciaires pour trahison, crimes de guerre et soutien présumé au groupe rebelle du M23. Des accusations que l’ancien président balaie avec fermeté : « Jamais je ne me suis associé à une entreprise visant à déstabiliser ce pays pour lequel j’ai sacrifié tant de choses. Mon retour n’a qu’un seul but : contribuer à la paix. »
Le retour d’un homme, le réveil d’un clan ?

À 54 ans, Joseph Kabila semble décidé à ne pas se laisser effacer du paysage politique. Son discours, savamment dosé entre indignation morale et stratégie de repositionnement, sonne comme une déclaration de guerre politique. Il évoque une « mise en scène judiciaire » destinée à le neutraliser et accuse l’administration Tshisekedi d’user de la justice comme « d’un outil de répression contre les voix discordantes ».
Le FCC, plateforme politique fidèle à Kabila, crie à l’injustice. Ses membres dénoncent une procédure irrégulière, rappelant que la loi congolaise impose un vote en Congrès – réunissant les deux chambres du Parlement – pour engager des poursuites contre un ancien chef d’État. Un avis partagé par plusieurs juristes congolais, qui y voient une violation manifeste du statut constitutionnel des anciens présidents élus.
Vers un bras de fer institutionnel ?

Le camp présidentiel, lui, reste droit dans ses bottes. Selon les partisans de Tshisekedi, les faits reprochés à Kabila se situent après son départ de la présidence, justifiant ainsi une simple autorisation du Sénat. Dans la foulée, le gouvernement a suspendu les activités du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), formation politique fondée par Kabila, et a ordonné la saisie des biens de plusieurs de ses cadres.
Des mesures qualifiées de « persécution politique » par les partisans de l’ancien président, qui voient dans cette vague répressive une tentative d’éliminer toute alternative crédible à l’actuel régime.
L’Est en feu, la capitale en alerte
Pendant ce temps, à l’Est, le sang continue de couler. Le M23 et les forces gouvernementales s’affrontent dans un conflit où diplomatie et trêves se brisent sur le roc des ambitions géopolitiques. Kabila, dont la figure reste influente dans l’armée et dans certaines provinces, pourrait bien, malgré lui, devenir un facteur d’instabilité… ou de rééquilibrage.
Conclusion : le retour d’un sphinx ?

Joseph Kabila n’est plus président, mais il refuse d’être un homme du passé. Son discours est un acte de défi. À ceux qui croyaient son silence comme un aveu de retrait, il oppose une parole tranchante, presque prophétique. Dans un pays où la mémoire politique est souvent écrasée par la brutalité des transitions, Kabila entend écrire un nouveau chapitre. Peut-être le plus périlleux de sa carrière.


