Face à la multiplication des dénonciations de racket sur les axes routiers du pays, la Gendarmerie nationale a décidé de sortir du silence. Dans un avis publié dans L’Union aujourd’hui vendredi 19 décembre 2025, le Commandement en chef reconnaît explicitement l’existence de pratiques répréhensibles commises par certains agents, tout en soulignant la responsabilité partagée entre forces de l’ordre et usagers. Une prise de position qui relance le débat sur la lutte contre la corruption routière, dans un climat déjà tendu entre citoyens et forces de sécurité.
Une reconnaissance officielle des dérives

Pour la première fois de manière aussi claire, la Gendarmerie nationale admet que des actes de racket sont effectivement perpétrés par certains gendarmes en poste sur les routes. Une reconnaissance attendue par de nombreux usagers, régulièrement confrontés à des contrôles jugés abusifs, souvent accompagnés de demandes d’argent informelles.
Dans son avis, le Commandement en chef rappelle néanmoins que la police de la circulation routière demeure une mission régalienne essentielle, dont la finalité première est la sécurisation des personnes et des biens, le respect du Code de la route ainsi que la prévention des accidents.
Tolérance zéro affichée, message réaffirmé

Tout en condamnant les dérives individuelles, l’institution insiste sur le fait que cette mission d’intérêt général « ne saurait être détournée à des fins personnelles ou mercantiles ». La Gendarmerie réaffirme ainsi sa ligne officielle de tolérance zéro vis-à-vis des comportements contraires à l’éthique et à la déontologie, en conformité avec les exigences de discipline et de professionnalisme prônées par la Ve République.
Une corruption à double responsabilité

Mais c’est surtout l’approche adoptée par l’institution qui suscite interrogations et réactions. Dans son avis, la Gendarmerie nationale affirme que la corruption « implique l’action de deux intervenants : un corrupteur et un corrompu ». Elle ajoute qu’un usager en règle « n’a aucune raison valable de remettre facilement son argent à un agent », laissant entendre que celui qui s’y prête dissimule nécessairement une infraction.
Cette position, perçue par certains comme un renvoi de responsabilité vers les populations, tranche avec le discours habituellement attendu des forces de sécurité. Pour le Commandement en chef, la lutte contre la corruption routière ne peut être un combat à sens unique et nécessite une implication active des citoyens.
Des mesures existantes, mais peu dissuasives

La Gendarmerie rappelle par ailleurs les mécanismes mis en place depuis 2020 pour lutter contre le racket : affichage de pancartes dans les postes de contrôle interdisant toute remise d’argent sans quittance du Trésor, mise à disposition de numéros verts pour dénoncer les abus (1401, 011 73 20 36, 011 76 22 80), ainsi que des campagnes régulières de sensibilisation.
Cependant, malgré ces dispositifs, les pratiques dénoncées persistent sur le terrain. De nombreux usagers affirment que les contrôles restent marqués par une pression dissuasive, particulièrement en périodes de forte affluence ou de fêtes, où les automobilistes cherchent avant tout à éviter des sanctions jugées arbitraires.
Une posture qui divise

Si la responsabilisation citoyenne apparaît nécessaire dans la lutte contre la corruption, plusieurs observateurs estiment qu’elle ne saurait occulter l’asymétrie de pouvoir existant entre un agent en uniforme et un usager souvent vulnérable. La crainte de sanctions immédiates, de retenues prolongées ou de tracasseries administratives pèse lourdement dans les interactions quotidiennes sur les routes.
En mettant en cause les populations, la Gendarmerie s’expose ainsi au reproche d’un discours perçu comme une esquive du caractère structurel du problème, là où beaucoup attendent avant tout des sanctions exemplaires contre les agents fautifs.
Un test de crédibilité pour la Gendarmerie

Au-delà des déclarations, l’avis publié dans L’Union pose une question centrale : l’institution saura-t-elle traduire ses engagements en actes concrets ? La crédibilité de la Gendarmerie nationale dans la lutte contre le racket routier sera jugée à l’aune de sanctions visibles, dissuasives et équitables.
À défaut de résultats tangibles, le risque est réel de voir s’accentuer la défiance des citoyens envers une institution qui affirme pourtant vouloir restaurer l’autorité de l’État et la confiance sur les routes gabonaises.

