Une posture militante fragilisée par ses propres fidélités
À écouter Alain Claude Bilié-By-Nze aujourd’hui, on croirait entendre l’une des voix les plus résolues contre la Françafrique. Il en pourfend les mécanismes, en dénonce les dérives et s’érige en porte-voix d’une rupture nécessaire. Pourtant, un examen attentif de ses pratiques privées révèle une vérité beaucoup moins héroïque : l’homme continue de fréquenter et de solliciter, avec une constance presque méthodique, les mêmes cercles parisiens qu’il accuse de perpétuer les influences auxquelles il prétend s’opposer. Son discours, aussi véhément soit-il, se heurte ainsi à la réalité de ses alliances, rendant son positionnement profondément paradoxal.
La reconstruction d’une identité politique qui repose sur un faux renoncement

Depuis sa déroute électorale, Bilié-By-Nze s’est engagé dans une entreprise de réinvention personnelle. Il tente de se présenter comme une figure émancipée, affranchie de toute tutelle, libérée des systèmes anciens. Mais cette émancipation ne s’observe que dans son récit, jamais dans ses actes. Le renoncement qu’il proclame haut et fort n’a, en vérité, jamais été pleinement accompli. Ses réseaux, ses références, ses appuis demeurent les mêmes. Son discours de rupture s’en trouve irrémédiablement fragilisé, car on ne se défait pas de ce que l’on continue de courtiser.
Une rhétorique brillante mais qui trahit ses propres incohérences

Sa récente intervention dans l’émission La bande à Carlyle sur Global Africa témoigne de cette tension permanente entre la forme et le fond. Avec ses formules affûtées, ses critiques acérées de la politique française et ses insinuations contre le Président Oligui Nguema, Bilié-By-Nze cherche à donner l’image d’un intellectuel lucide, capable de déchiffrer les rouages de l’influence étrangère. Mais cette rhétorique, pour sophistiquée qu’elle soit, s’effondre dès lors qu’on la confronte à son propre passé et à ses pratiques actuelles. On ne peut dénoncer l’emprise d’un système tout en empruntant encore ses couloirs.
L’ombre tenace du système qu’il a si longtemps servi

La crédibilité de cette nouvelle posture souffre également d’un autre héritage : celui d’avoir été, durant de longues années, l’un des relais les plus disciplinés du système Bongo-Valentin, système intimement lié à la France. Cet engagement passé, assumé sans réserve durant toute sa carrière ministérielle, ne peut être effacé par quelques déclarations tardives. La mutation qu’il revendique apparaît dès lors comme un exercice de style plutôt qu’une véritable conversion politique.
Un pays qui progresse tandis que la polémique s’épuise

Alors que le Gabon renforce sa diplomatie, multiplie les chantiers et s’efforce de sortir d’un cycle politique complexe, les interventions de Bilié-By-Nze prennent l’allure d’un commentaire extérieur, sans prise réelle sur la dynamique nationale. Son discours semble davantage destiné à maintenir son nom dans la conversation publique qu’à éclairer les enjeux du moment.
Une rupture proclamée, jamais assumée

Au final, le paradoxe demeure entier : Alain Claude Bilié-By-Nze dénonce avec brio un système auquel il continue de se rattacher par réflexe, par intérêt ou par habitude. La force de son verbe ne parvient pas à masquer la faiblesse de son renoncement. Sa posture actuelle, aussi travaillée soit-elle, laisse subsister un doute majeur : peut-on véritablement critiquer la Françafrique lorsque l’on reste, consciemment ou non, l’un de ses familiers les plus constants ?


