Hier encore, nombreux sont ceux qui ignoraient l’histoire intime et politique de Nady Bamba, celle que l’on surnomme depuis des années « Petite Maman ». Pourtant, derrière sa discrétion et son voile soigneusement ajusté, se cache un personnage central de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire. Voici son récit.
Aux origines d’une journaliste engagée

Née le 13 juin 1974, musulmane originaire de Touba, terre des Bamba et des Fadiga, Nady Bamba grandit loin des projecteurs qui illumineront plus tard son destin. Diplômée de l’École française des attachés de presse (EFAP), elle entre dans le journalisme à la fin des années 1990. Correspondante pour Africa N°1 à Abidjan, elle sillonne la ville et les conférences pour raconter la vie politique et sociale du pays.
C’est dans cette effervescence journalistique qu’elle croise la route de Laurent Gbagbo. Ce qui commence par une rencontre professionnelle se transforme rapidement en une relation secrète, tissée dans l’ombre des crises et des combats politiques.
La rencontre avec l’opposant le plus traqué

Après le coup d’État de décembre 1999, alors que la Côte d’Ivoire entre dans une transition militaire tendue, l’appartement modeste de Nady, aux 220 Logements d’Adjamé, devient parfois un refuge pour celui qui est désormais le principal opposant au général Robert Gueï. L’entourage de Gbagbo y découvre cette jeune femme discrète, cultivée, déjà très engagée.
En 2000, alors que Laurent Gbagbo se lance dans la présidentielle qui bouleversera l’histoire du pays, Nady couvre le scrutin en tant que journaliste. Ironie du destin : elle suit en reportage celui dont elle partage déjà la vie.
Quand la passion rencontre le pouvoir

Lorsque Gbagbo accède au pouvoir, après des années de militantisme, son épouse Simone, figure emblématique du Front populaire ivoirien (FPI), voit s’ouvrir une nouvelle page de l’histoire politique… mais aussi de sa vie privée. Car désormais, Nady Bamba n’est plus seulement une liaison secrète : elle devient une présence constante.
Au palais présidentiel, on la surnomme « Petite Maman », pour la distinguer de Simone, appelée « la Vieille » ou « Maman ». Les surnoms traduisent la cohabitation complexe de deux présences féminines autour du chef de l’État.
En 2001, Laurent Gbagbo et Nady Bamba scellent leur union selon les rites coutumiers mahouka et musulmans. Comme l’exige la tradition, les époux ne sont pas présents. C’est le protocole du président, Eugène Allou, qui représente Gbagbo. Leur fils, David al-Raïs, naît un an plus tard.
Une présence discrète mais influente

Pendant les dix ans de présidence Gbagbo, Nady se tient loin des caméras. Longtemps, une seule photo circule : une femme vêtue de rouge, le visage voilé, lunettes sombres, difficile à reconnaître.
Mais dans les coulisses, elle construit son propre réseau. À la tête du groupe Cyclone communication, publicité, événementiel; elle lance en 2003 le quotidien Le Temps, encore présent dans les kiosques aujourd’hui. Son frère, Kassoum Fadiga, dirige alors la Petroci.
La campagne de 2010 : un rôle central

Lors de la présidentielle d’octobre 2010, Nady est chargée de la mobilisation dans le Nord. Elle sillonne les localités, rencontre les notables, tente de conquérir un terrain politiquement sensible. À Abidjan, le QG de campagne est installé… dans l’une de ses propres villas. Cyclone collabore directement avec les communicants d’Euro RSCG, bras médiatique du camp présidentiel.
Exil, fidélité et visites à La Haye

Après la chute du régime, en avril 2011, et l’arrestation de Laurent Gbagbo, Nady s’exile à Bruxelles, où leur fils Raïs est scolarisé. Loin d’Abidjan, elle continue pourtant de tenir son rôle auprès de l’ancien président. Chaque semaine, elle se rend au pénitencier de Haaglanden, à Scheveningen, pour lui rendre visite. Une fidélité silencieuse, presque invisible, mais constante.
La femme derrière l’histoire

Aujourd’hui encore, Nady Bamba incarne cette dualité : une femme discrète, presque insaisissable, mais dont l’influence traverse deux décennies de vie politique ivoirienne. Journaliste devenue stratège, amante devenue épouse, silhouette longtemps cachée devenue figure incontournable : elle reste l’un des personnages les plus intrigants de l’entourage de Laurent Gbagbo.


