Le tribunal de Libreville, théâtre d’une scène impensableLe tribunal de première instance de Libreville a récemment offert une image saisissante : celle d’anciens hommes forts du système Bongo Valentin, désormais jugés comme de simples citoyens. Abdul Océni Ossa, Ian Ghislain Ngoulou et Cyriaque Mvourandjami, trois noms autrefois murmurés avec respect ou crainte dans les couloirs du pouvoir, se sont retrouvés sur le banc des accusés.
Non pas comme témoins, mais comme complices présumés d’infractions graves liées à la gestion occulte du cercle présidentiel de Noureddine Bongo Valentin, aujourd’hui condamné.
Abdul Océni Ossa : le discret devenu suspect

Longtemps réputé pour sa réserve et sa fidélité silencieuse, Abdul Océni Ossa incarnait la loyauté sans éclat. Ombre fidèle de Noureddine, il apparaissait rarement, mais son influence était bien réelle dans les rouages du cabinet présidentiel.
Ce profil d’homme effacé n’aura pourtant pas suffi à le préserver. Son nom figure désormais dans un dossier où la loyauté aveugle pourrait être assimilée à une complicité tacite.
« Il savait, mais il se taisait », souffle une source proche de l’enquête. Une phrase lourde de sens dans un contexte où le silence équivalait souvent à l’approbation.
Ngoulou et Mvourandjami : l’arrogance du pouvoir démasquée

À l’opposé, Ian Ghislain Ngoulou et Cyriaque Mvourandjami symbolisent à eux seuls la dérive du pouvoir. Arrogance, abus d’autorité, menaces, favoritisme : les témoignages affluent pour décrire deux hommes qui se croyaient au-dessus de tout, couverts par le parapluie de Noureddine.
À l’époque, un simple appel de leur part suffisait à bloquer un marché public, à écarter un fonctionnaire ou à imposer un nom. Leur proximité avec le fils de l’ancien président faisait d’eux des rois sans couronne.
Aujourd’hui, ce sont des visages fermés, des regards fuyants et des gestes nerveux, loin de la morgue d’hier, que le public a découverts dans le box des accusés.
L’ironie du destin : quand les juges d’hier deviennent accusés

Ironie de l’histoire, ces mêmes hommes, aujourd’hui en posture d’accusés, avaient été parmi les plus virulents lorsqu’un autre proche du pouvoir, Brice Laccruche Alihanga, avait été arrêté et incarcéré.
À l’époque, ils n’hésitaient pas à se réjouir publiquement de sa chute, assurant à qui voulait l’entendre que « Laccruche et ses compagnons prendront chacun 20 ans de prison ».
Aujourd’hui, le vent a tourné. Les faits reprochés à Brice Laccruche Alihanga se sont révélés montés de toute pièces, tandis que leurs propres agissements sont désormais mis à nu devant la justice.
Le sort semble leur renvoyer le reflet d’un système où la toute-puissance d’hier se paie au prix fort demain.
De l’omnipotence à la reddition judiciaire

Ce procès, au-delà de ses aspects techniques, a valeur de symbole. Pour la première fois, ceux qui incarnaient le pouvoir absolu répondent de leurs actes devant la justice.
La scène, d’une portée presque historique, traduit une mutation profonde du Gabon : celle d’un État qui cherche à se réinventer dans la transparence et la responsabilité.
« Nul n’est au-dessus de la loi, pas même ceux qui la rédigeaient hier », a déclaré un magistrat à la sortie de l’audience, salué par un public médusé mais soulagé.
Une leçon pour la nouvelle génération

L’image de ces trois anciens puissants, assis tête baissée sur les bancs du tribunal, restera gravée dans les mémoires. Elle incarne une vérité brutale : le pouvoir est éphémère, la justice est tenace.
Ce procès résonne comme un avertissement pour les futurs dirigeants, administrateurs ou proches du pouvoir : « Se prendre pour Dieu, c’est signer soi-même sa chute. »
Dans une salle où jadis leurs décisions faisaient trembler, c’est désormais le marteau du juge qui dicte la sentence. Et le peuple, longtemps silencieux, observe enfin que l’ère des intouchables semble toucher à sa fin.


