Un arsenal juridique trop indulgent
Au Gabon, le statut des magistrats est censé garantir la rigueur et l’exemplarité au sein du corps judiciaire. Pourtant, à la lecture des dispositions disciplinaires prévues par la loi organique n°017/2022, beaucoup s’interrogent : ces lois protègent-elles réellement la justice, ou ceux qui la trahissent ?
Entre blâme symbolique, suspension provisoire et interdiction d’exercer temporaire, les sanctions apparaissent souvent trop légères au regard de la gravité des fautes commises. Dans un pays où la justice peine encore à reconquérir la confiance du peuple, cette indulgence institutionnalisée fait grincer des dents.
Des sanctions à géométrie variable

Théoriquement, le Conseil Supérieur de la Magistrature dispose d’un pouvoir disciplinaire. En pratique, la gradation des sanctions du simple blâme à la mise à la retraite d’office, laisse une grande marge d’interprétation.
Certains magistrats convaincus de corruption ou d’abus d’autorité s’en sortent avec un simple avertissement. D’autres, souvent moins protégés, subissent rétrogradation et exclusion. Une justice à deux vitesses, même en interne, où le poids du nom ou du réseau semble parfois plus fort que celui de la loi.
L’impunité, talon d’Achille du système

L’un des grands reproches faits à ces textes est leur absence de fermeté et de transparence. Les fautes les plus graves sont la corruption, la manipulation de dossiers, la collusion avec des réseaux d’influence ne sont pas toujours punies à la hauteur du préjudice causé à la nation.
Un statut plus protecteur que punitif

Aucune disposition claire n’impose, par exemple, la publication des décisions disciplinaires ou la radiation automatique en cas de manquement grave à l’éthique. Résultat : le citoyen n’a pas accès aux verdicts du Conseil de discipline et ignore le sort réservé aux magistrats fautifs. Une opacité qui entretient la suspicion.
Le statut actuel donne aux magistrats des garanties considérables : immunité de fait, procédure complexe avant toute sanction, recours multiples, et lenteur administrative. Ces garde-fous, censés préserver l’indépendance de la justice, finissent paradoxalement par protéger ceux qui la déshonorent.
Dans un contexte de transition où l’État prône l’intégrité et la transparence, maintenir un tel système revient à tourner le dos aux réformes promises.
Un besoin urgent de refonte
Face aux dérives répétées, plusieurs voix s’élèvent pour réclamer une révision profonde du cadre disciplinaire. L’objectif : rendre la justice plus responsable devant le peuple.
Les sanctions devraient être graduées mais fermes, proportionnelles aux fautes commises, et rendues publiques pour rétablir la confiance. Car sans exemplarité au sommet, il ne peut y avoir d’État de droit crédible.


