Un métier né du bitume : l’art du rampement
Dans une époque où l’humiliation bien filmée vaut mieux qu’un CV bien rempli, Père Daloa a trouvé sa voie. Plus besoin de diplômes, ni de talents classiques : il a inventé un nouveau métier rampeur professionnel. Sa méthode ? Se jeter au sol devant les puissants, supplier avec ferveur, émouvoir l’auditoire et empocher les dons.
De la poussière aux millions

Ses performances n’ont rien d’improvisé : derrière les supplications se cache une stratégie redoutable. Grâce à ses glissades spectaculaires, il a reçu voiture de luxe, millions de francs CFA, terrains à Gagnoa, projets immobiliers, et même une boutique offerte à sa femme. Quand d’autres rampent symboliquement pour la République, lui rampe littéralement pour sa République personnelle.
Le Kounabelisme : quand le phénomène devient doctrine
Le concept a même traversé les frontières. Au Gabon, l’attitude du Père Daloa a trouvé écho chez une jeunesse en quête d’alternatives : ainsi est né le Kounabelisme.Ce terme mi-satirique, mi-sociologique désigne l’art de s’humilier publiquement, volontairement, et souvent de manière théâtrale, dans le but d’attirer l’attention ou des faveurs matérielles. Dans les quartiers de Libreville, certains parlent déjà du Père Daloa comme d’un « coach motivationnel du désespoir ».
Un anniversaire à 5 millions et un gâteau à 5 000 FCFA
Le point culminant (ou la descente aux enfers ?) a peut-être été son anniversaire. Avec une communication savamment orchestrée, il récolte près de 5 millions de FCFA en ventes de tickets. Les fans s’attendent à un concert, un dîner, un événement. Résultat ? Un simple gâteau bas de gamme posé sur une table bancale. La scène est filmée, partagée, moquée.
Certains crient à l’escroquerie, lui parle d’“œuvre d’art sociale”. Le débat reste ouvert.
Roi 12 12 : de la vénération à la rupture
Longtemps associé au richissime mécène malien Roi 12 12, Père Daloa a rampé, pleuré, remercié… puis rompu.
Accusant son bienfaiteur de promesses non tenues (notamment deux taxis fantômes), il claque la porte avec fracas. Exit les éloges, place aux dénonciations. La comédie humaine tourne au drame burlesque. Même la loyauté semble avoir un prix ou une date d’expiration.
Un miroir de la société moderne ?
Derrière le rire, le malaise. Car Père Daloa, sous ses allures de bouffon viral, incarne une réalité africaine crue : celle de la débrouillardise transformée en spectacle, du désespoir recyclé en contenu viral, de la dignité troquée contre quelques vues.
Il n’est ni fou ni idiot : il est stratège. Et sa stratégie fonctionne. Pire : elle inspire.
De la parodie à la prophétie
En Côte d’Ivoire, il est une icône du ridicule assumé. Au Gabon, une source d’inspiration déguisée. Et dans toute l’Afrique francophone, un symbole inquiétant de ce que peut devenir le besoin de reconnaissance dans un monde gouverné par les likes.
Le Kounabelisme est peut-être risible. Mais il est bien réel. Et il pourrait bien devenir la prochaine grande école de commerce du trottoir.


