Dans l’enceinte feutrée du Palais de la Marina, ce 28 juillet 2025, le président béninois Patrice Talon s’est adressé à la jeunesse de son pays avec une gravité tranquille. À quelques encablures de la fin de son second et ultime mandat, le chef de l’État a renouvelé avec fermeté sa promesse : il ne briguera pas un troisième mandat. Une posture devenue rarissime sur le continent, où la tentation du pouvoir à vie reste un réflexe tenace.
« Une énième fois, je vous le redis : je ne serai pas candidat. Cette question m’agace. […] Je m’en vais. J’ai vieilli », a-t-il lancé, sourire en coin, mais ton intransigeant.
Un adieu assumé, un signal républicain
Le message est clair, sans ambiguïté, presque solennel. Patrice Talon s’emploie à incarner ce qu’il appelle lui-même un déclencheur, un capteur pour inspirer les générations futures. Lui qui avait renforcé la Constitution afin de verrouiller la possibilité d’un troisième mandat, refuse obstinément de céder aux sirènes révisionnistes, fussent-elles portées par des proches ou des voix internationales.
À Canal 3, une semaine plus tôt, Wilfried Léandre Houngbédji, porte-parole de la présidence, avait déjà annoncé la couleur : « Le président n’en a pas envie. Le Bénin est plus grand que nous tous. » Une phrase simple, mais d’une portée immense dans une Afrique où le pouvoir se transmet trop souvent dans l’usure, la ruse ou le chaos.
La jeunesse comme ultime boussole
Mais au-delà de cette posture éthique, le rendez-vous de la Marina avait un autre enjeu : celui d’écouter une jeunesse béninoise en quête d’avenir. Emploi, éducation, numérique, électricité… les doléances sont nombreuses et pressantes. Dans un pays où plus de 60 % de la population a moins de 25 ans, le désenchantement peut vite virer au désordre si les espoirs ne rencontrent pas de solutions concrètes.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Près de 14 % des jeunes Béninois sont sans emploi, ni formation, ni scolarité. Pire, ce taux grimpe à 16,7 % chez les jeunes femmes, selon les données de CEIC Data. La précarité de l’auto-emploi, le manque d’adéquation entre formation et marché du travail, mais aussi les difficultés d’accès aux outils numériques, aggravent le sentiment d’exclusion.
Talon, lucide, a reconnu ces défis. Mais fidèle à son style, il préfère jeter les bases plutôt que promettre des miracles. « Pourquoi penser que celui ou celle qui viendra après moi ne ferait pas autant, voire plus ? », a-t-il soufflé à ses collaborateurs, selon Houngbédji.
Une page qui se tourne, un legs qui interroge
À moins de neuf mois de l’élection présidentielle d’avril 2026, nul candidat ne s’est encore officiellement déclaré. Ni la mouvance présidentielle ni l’opposition ne semble avoir dégagé un successeur crédible. Une incertitude qui alimente les spéculations, mais aussi les espoirs d’une nouvelle génération politique.
Talon, quant à lui, semble avoir déjà pris congé de l’idée du pouvoir. L’homme d’affaires devenu président, et qui aura marqué le Bénin par ses réformes, souhaite désormais laisser derrière lui une empreinte : celle d’un dirigeant qui a su partir à l’heure, sans céder au vertige de l’éternité.En Afrique, cette posture vaut presque acte de dissidence. Et si, dans l’histoire politique du continent, les promesses non tenues sont légion, celle de Patrice Talon semble, jusqu’ici, tenir bon comme une colonne vertébrale : rigide, droite, assumée.
Encadré : Le pari de la relève
Avec un taux de scolarisation en progression, des infrastructures modernisées et un climat des affaires plus compétitif, le Bénin version Talon aura incontestablement changé de visage. Mais le prochain défi reste entier : faire de cette dynamique un socle durable porté par des leaders nouveaux, issus de cette jeunesse à qui le président sortant a parlé, une dernière fois, les yeux dans les yeux.


