Inégalités économiques au Gabon : un paradoxe persistant
Une richesse mal répartie
Le Gabon, bien qu’il soit considéré comme un pays à revenu intermédiaire supérieur, subit des inégalités économiques alarmantes. En 2023, le Revenu National Brut (RNB) par habitant atteignait 7 930 dollars, mais cette richesse reste mal répartie. Près de 34,6 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de 6,85 dollars par jour. Ce paradoxe soulève des interrogations sur la gestion des ressources naturelles, notamment le pétrole et le manganèse, qui devraient, en théorie, bénéficier à tous.
Selon la Banque mondiale, la richesse du pays a progressé de 35 % entre 1995 et 2020, s’élevant à 60 mille milliards de francs CFA. Cependant, la richesse par habitant a chuté de près de 35 %, en raison d’une croissance démographique rapide qui a dilué les avantages économiques. Cela met en exergue l’inefficacité des mécanismes de redistribution, laissant une grande partie de la population en marge de la prospérité.
Les spécialistes s’accordent à dire que cette concentration de richesses au sein d’une élite restreinte est l’une des causes principales de ces inégalités. La gestion opaque des revenus issus des ressources naturelles engendre frustrations et instabilité sociale. Sonia Barbara Ondo Ndong, co-auteure d’un rapport de la Banque mondiale, souligne que « des réformes en matière de gouvernance et du climat des affaires pourraient inverser cette tendance ». Il est impératif d’explorer les causes profondes pour envisager des solutions durables.
Une économie peu diversifiée
L’économie gabonaise repose essentiellement sur l’exploitation des ressources naturelles, en particulier dans les secteurs pétrolier et minier. Une telle dépendance limite la création d’emplois et ne favorise pas une croissance inclusive. Les industries extractives, souvent capitalistiques, génèrent peu d’emplois directs. Ainsi, même face à une croissance modeste, peu d’améliorations sont ressenties dans la vie quotidienne des Gabonais.
Depuis 2019, la croissance économique tourne autour de 2 % par an. Ce rythme, considéré comme insuffisant, ne permet pas de créer des emplois significatifs, surtout pour une jeunesse en quête d’opportunités. Le manque de diversification freine également le développement d’autres secteurs capables d’offrir de nouvelles perspectives.
Les effets de cette dépendance sont préoccupants. La Banque mondiale note que le Gabon est l’un des rares pays à avoir enregistré simultanément une baisse du PIB et de la richesse par habitant en 25 ans. Ce constat souligne l’urgence d’une diversification économique pour réduire les inégalités et améliorer le bien-être de ses citoyens.
Des politiques sociales insuffisantes
Un autre facteur crucial des inégalités économiques au Gabon réside dans ses politiques sociales jugées insuffisantes. Les investissements dans les secteurs sociaux ont chuté à 18,2 % du budget révisé en 2024, limitant la capacité de l’État à financer des domaines essentiels comme l’éducation et la santé. Cette réduction des dépenses sociales aggrave la précarité des ménages vulnérables qui ont des difficultés d’accès aux services de base.
Par ailleurs, le Gabon n’alloue que 0,2 % de son PIB à l’aide sociale non contributive, bien en dessous de la moyenne des pays à revenu intermédiaire supérieur, qui se situe à 0,8 %. L’absence d’un registre social national à jour complique l’identification des personnes éligibles aux allocations, rendant toute intervention moins efficace. Experts et analysts s’accordent à dire que, sans une amélioration significative des filets sociaux, les inégalités ne feront qu’empirer.
Il est donc impératif que le gouvernement gabonais revoie ses priorités budgétaires et mette en œuvre des politiques sociales plus inclusives. Cela nécessitera non seulement des réformes structurelles, mais également un véritable engagement politique pour garantir que le fruit de la croissance profite réellement à toute la population.
Vers un avenir inclusif ?
Les défis d’inégalités économiques auxquels le Gabon est confronté sont complexes et variés. La promesse du président Brice Clotaire Oligui Nguema d’améliorer les conditions de vie des Gabonais représente une avancée, mais elle doit s’accompagner d’actions concrètes et d’un engagement à long terme. Transformer la richesse nationale en développement inclusif est essentiel pour assurer un accès équitable aux services essentiels.
Les réformes en matière de gouvernance, de diversification économique, et des politiques sociales constituent le cœur de cette transformation. Les acteurs clés, y compris les organisations de la société civile et les partenaires internationaux, jouent un rôle déterminant dans l’accompagnement de cette transition. La question demeure : le Gabon saura-t-il relever ces défis pour construire un avenir plus équitable pour tous ses citoyens ?
