Démission d’Issa Tchiroma : Un acte symbolique et stratégique

Un impératif moral face à l’injustice sociale
La démission d’Issa Tchiroma Bakary, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle du Cameroun, le 24 juin 2025, marque un tournant dans le paysage politique camerounais. Dans une lettre adressée au président Paul Biya, Tchiroma évoque un « impératif moral » l’ayant poussé à quitter ses fonctions. Ce choix va au-delà d’un simple acte théâtral, il s’inscrit dans un contexte où les demandes de justice sociale, d’intégration nationale et d’équité territoriale restent inassouvies.
Tchiroma, par ses critiques acerbes envers le régime, dépeint un profond désenchantement. Son parcours, d’opposant à ministre, est aujourd’hui assombri par un sentiment d’échec face à des promesses non tenues. Ce revirement pourrait être interprété comme un retour vers les préoccupations des citoyens, lui offrant ainsi une chance de se repositionner politiquement à l’approche des élections présidentielles d’octobre 2025.
Le mécontentement populaire s’intensifie, notamment dans les régions du Nord, où Tchiroma a été un pilier du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). En démissionnant, il répond à un appel de sa base, clamant un besoin urgent de changement dans la gouvernance du pays.

Une rupture avec le RDPC et ses implications politiques
La démission de Tchiroma transcende une simple décision personnelle. Elle symbolise une rupture avec le RDPC, le parti au pouvoir, et pourrait redéfinir le paysage politique au Cameroun. Son départ survient dans un contexte de tensions palpables au sein d’un parti dont plusieurs figures, notamment parmi les jeunes élites du grand Nord, contestent désormais le leadership actuel.
Les analystes, tels que Luc Perry Wandji, notent que cette démission pourrait être le signe d’un désir profond de la part des populations du grand Nord de s’éloigner d’un régime qu’elles jugent déconnecté de leurs réalités. Tchiroma, figure emblématique de cette région, pourrait jouer un rôle déterminant dans la mobilisation des électeurs en faveur d’un changement significatif. Son départ pourrait également inciter d’autres membres influents du RDPC à considérer des alternatives, incluant des alliances avec des figures de l’opposition comme Maurice Kamto ou Bello Bouba Maïgari.
Cette dynamique s’intègre également dans le cadre des manœuvres politiques en cours, où les services secrets français semblent préparer un scénario de succession. Ainsi, Tchiroma pourrait se positionner comme un acteur clé dans une nouvelle coalition politique, capable de rassembler les mécontents autour d’un projet ambitieux pour le pays.

Les enjeux électoraux et les attentes des citoyens
À quatre mois de l’élection présidentielle, la démission d’Issa Tchiroma soulève des interrogations cruciales sur l’avenir politique du Cameroun. Les citoyens, de plus en plus exigeants sur des sujets tels que l’emploi et le développement économique, attendent des réponses. Dans ses discours récents, Tchiroma a souligné les difficultés de la jeunesse camerounaise, plaidant pour un « changement audacieux » et une mobilisation citoyenne face à la misère.
Les électeurs, désormais plus conscients des enjeux, recherchent des leaders prêts à répondre à leurs préoccupations. La démission de Tchiroma pourrait être interprétée comme un signal fort, incitant d’autres figures politiques à se distancier d’un régime jugé incompétent. Fotsing Nzodjou, dans sa lettre ouverte, interpelle Tchiroma sur l’importance de traduire ses intentions en actions concrètes, soulignant que le temps des discours est révolu.
Dans ce contexte, une question demeure : Tchiroma saura-t-il transformer son geste symbolique en un mouvement populaire capable de redynamiser la politique camerounaise ? Les mois à venir seront décisifs pour déterminer si cette démission marquera le début d’une nouvelle ère politique ou si elle ne sera qu’un épisode isolé dans un paysage politique en pleine mutation.


