Une gifle à la liberté d’expression ?
En République démocratique du Congo, un vent glacial souffle sur le paysage médiatique. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), par la voix de son président, a ordonné aux médias de ne plus diffuser les activités de Joseph Kabila, ancien président de la République, ni de commenter ou donner la parole aux responsables du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). Une décision fracassante, aussi brutale que symbolique, qui jette une ombre longue sur l’avenir de la liberté d’expression en RDC.
La démocratie amputée de sa voix plurielle

En politique, le silence est rarement neutre. Il est souvent calculé, orienté, stratégique. En interdisant à la presse d’évoquer un ancien chef d’État et le principal parti d’opposition, le CSAC ne se contente pas d’instaurer un cadre déontologique. Il procède à une éradication symbolique de la mémoire politique et à une marginalisation médiatique orchestrée de toute une frange de la société congolaise.
Joseph Kabila n’est pas un homme anodin. Il incarne une ère, un pan d’histoire récente du Congo. Le PPRD, de son côté, demeure un pilier de l’espace politique, que l’on soit en accord ou en désaccord avec sa ligne. Vouloir les faire taire, c’est mutiler le débat démocratique.
Une presse muselée à l’orée des échéances électorales

La mesure du CSAC intervient dans un contexte tendu, à l’approche d’échéances électorales décisives. L’institution invoque la lutte contre la « campagne électorale prématurée ». Mais derrière cette justification légale se cache une logique de verrouillage politique. Elle évoque davantage une manœuvre de précaution qu’une régulation saine. On contrôle, on bride, on censure. L’objectif ? Éviter que certaines voix perturbent l’architecture narrative du pouvoir en place.
Quand la régulation devient répression

Le rôle d’un organe de régulation n’est pas de trancher dans le débat, mais de le garantir. Le CSAC, en posant des interdictions unilatérales, sort de son rôle d’arbitre pour endosser le costume d’un gendarme idéologique. Une posture qui rappelle les heures sombres d’une presse aux ordres, et qui ravive le spectre d’un autoritarisme rampant.
Un dangereux précédent pour le continent
Ce qui se joue en RDC ne concerne pas que les Congolais. Il s’agit d’un test grandeur nature pour l’avenir du journalisme libre en Afrique centrale. Car si un ancien président peut être effacé des ondes par décret, qui pourra demain échapper à cette épuration médiatique ? Cette dérive pourrait faire école, inspirer d’autres régimes friands de contrôle absolu, et progressivement transformer les journalistes en sténographes du pouvoir.
Le droit de savoir n’est pas négociable
La liberté d’expression ne se résume pas à la parole du pouvoir. Elle implique la pluralité, l’opposition, la controverse. Elle suppose que chaque citoyen puisse entendre toutes les voix, même celles qu’il ne veut pas écouter. Ce droit n’est pas un luxe, c’est le fondement même de toute société qui aspire à la démocratie.
À ceux qui, depuis Kinshasa, veulent rendre la presse aveugle, sourde et muette, rappelons ces mots du journaliste burkinabè Norbert Zongo : « Le journalisme est une arme pacifique contre l’arbitraire. À condition qu’on la laisse entre les mains du peuple. »
Conclusion
La décision du CSAC est une alerte. Un signal d’alarme lancé à toutes les sentinelles de la démocratie. Car une démocratie sans liberté d’informer n’est qu’une tyrannie polie. Il est temps, en RDC et ailleurs, que la presse reprenne sa place : non pas aux pieds du pouvoir, mais face à lui.


