Il fut l’un des visages les plus volubiles de l’opposition congolaise. Un jeune loup aux ambitions affichées, prompt à manier la verve contre ceux qui, selon lui, détournaient les deniers publics et trahissaient les idéaux du peuple. Aujourd’hui, c’est ce même Constant Mutamba qui voit la tempête frapper à sa propre porte. Le ministre de la Justice est dans l’œil du cyclone, soupçonné de détournement de fonds. Un choc pour certains, une confirmation pour d’autres.Car le passé, en République Démocratique du Congo, a cette fâcheuse habitude de revenir. Et Mutamba, que l’on croyait avoir pris ses distances avec ses outrances passées pour se réinventer en homme d’État loyal et mesuré, se retrouve aujourd’hui confronté à l’image qu’il s’était lui-même appliqué à gommer.
Des mots devenus boomerang

Souvenez-vous. En 2018, alors que Félix Tshisekedi accédait au pouvoir, Constant Mutamba multipliait les flèches assassines. Il fustigeait la légitimité du nouveau président, dénonçait l’opportunisme politique et appelait, à peine voilé, à un retour aux valeurs originelles de la République. Ces propos tranchants, souvent virulents, ont laissé des traces dans les archives numériques et les esprits.
Puis vint l’heure du revirement. En janvier 2019, face caméra, Constant Mutamba s’agenouille verbalement : « Nous demandons pardon à Son Excellence Monsieur le Président de la République… et lui rassurons de notre soutien indéfectible ». Un virage spectaculaire, que beaucoup ont interprété comme une manœuvre calculée pour se repositionner. D’autres y ont vu la maturité d’un homme désireux de peser dans la balance du pouvoir.
Candidat malheureux, ministre comblé

Candidat à la présidentielle de décembre 2023, Mutamba surprend à nouveau en félicitant Félix Tshisekedi pour sa réélection, malgré des irrégularités qu’il reconnaît du bout des lèvres. Ce geste rare dans le paysage politique congolais est salué… et récompensé. Quelques semaines plus tard, il est propulsé ministre de la Justice, en charge d’un secteur qu’il avait tant décrié.
Mais la République a ses mémoires. Et la justice, parfois lente, finit par frapper. Selon plusieurs sources judiciaires, des enquêtes sont ouvertes concernant la gestion de fonds publics dans plusieurs structures liées à l’ancien avocat et patron de la NOGEC. Pour l’instant, Mutamba nie en bloc. Mais l’étau semble se resserrer, et l’homme fort de la Place Royal se sait désormais exposé.
Une ironie du sort

Le symbole est fort, presque cruel. Celui qui jurait en février 2025 de « ne jamais trahir la confiance du président » se retrouve aujourd’hui soupçonné d’avoir trahi celle du peuple. L’homme qui se voulait chevalier blanc de la République est-il en train de tomber de son piédestal ?Difficile, à ce stade, de conclure à la culpabilité. Mais le simple fait que le ministre de la Justice soit cité dans des affaires de détournement jette une ombre sur le gouvernement et sur les valeurs qu’il prétend incarner.
L’avenir de Constant Mutamba est désormais suspendu à un fil.

Non pas celui de la popularité – il s’en est déjà accommodé. Mais celui de la justice. La même justice qu’il a promise de réformer, de nettoyer, de moraliser. À moins que l’histoire, une fois encore, ne lui offre un énième rebondissement. Dans un pays où les pardons succèdent aux accusations, où les opposants d’hier deviennent ministres de demain, et où les héros d’un jour sombrent dans le soupçon, Constant Mutamba n’est peut-être que le reflet d’un système qui peine à se réinventer.


