En République Démocratique du Congo, les vents de la justice soufflent désormais jusque dans les couloirs du pouvoir. Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, figure de proue de la jeune génération politique congolaise, se retrouve dans la tourmente. L’Assemblée nationale vient d’autoriser l’ouverture d’une information judiciaire contre celui qu’on surnommait encore hier « le gardien du temple judiciaire ».
En cause ? Un parfum lourd de détournement de fonds publics, estimé à près de 20 millions de dollars. Le cœur de l’affaire ? Un vaste chantier de construction d’une prison à Kisangani, dans le nord-est du pays, censé mobiliser un budget de 40 millions de dollars. Mais dans cette République où les prisons sont surpeuplées et vétustes, l’opacité des contrats fait rage. Le projet, loin de symboliser un souffle de réforme carcérale, s’est transformé en symbole d’un malaise démocratique.
Mutamba sur la sellette

Devant une commission spéciale de l’Assemblée nationale, Constant Mutamba n’a pas tenté de nier. Le ministre – qui est aussi député – a reconnu, selon le rapport accablant de ladite commission, des « erreurs administratives ». Il a présenté ses « excuses » publiques. Une contrition qui sonne comme un aveu pour ses détracteurs, mais que ses partisans jugent habile. Car en RDC, l’aveu d’erreur est rare, et l’humilité en politique est souvent une stratégie.
Cependant, derrière les mots polis d’ »erreurs » et d’ »irrégularités », ce sont bien des violations présumées des règles d’attribution des marchés publics qui sont pointées du doigt. Une affaire de gros sous, où les procédures d’appel d’offres semblent avoir été court-circuitées au profit d’intérêts obscurs.
Un signal fort, ou un écran de fumée ?

L’autorisation donnée par l’Assemblée nationale d’ouvrir une information judiciaire constitue un acte rare, voire inédit, dans un pays où le pouvoir judiciaire est souvent accusé d’être inféodé au politique. Ce geste serait-il le début d’une nouvelle ère de reddition des comptes ? Ou un simple coup de communication pour redorer l’image d’un Parlement critiqué pour sa passivité ?
À Kinshasa, la rue gronde. Sur les réseaux sociaux, les réactions fusent : « Comment un ministre de la Justice peut-il être accusé de violer la loi ? », « Qu’a-t-on fait de la redevabilité promise par le président Tshisekedi ? ». Des voix s’élèvent aussi pour réclamer une suspension immédiate du ministre, afin de garantir l’indépendance de l’enquête.
Un dossier à suivre, et une justice à réinventer

L’avenir de Constant Mutamba, jadis étoile montante du paysage politique congolais, est désormais suspendu au fil fragile de la justice. Une justice qu’il supervisait hier, et qu’il devra affronter demain.Plus que le sort d’un homme, cette affaire pose une question de fond : la République Démocratique du Congo est-elle prête à affronter ses propres démons ?
Dans une nation aux ressources immenses mais aux institutions fragiles, l’épreuve du feu passe désormais par le prétoire. Et le peuple congolais, lassé des scandales à répétition, attend des actes – pas des discours.
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