Il souffle un vent de changement sur les hauteurs du Vatican, où l’Église catholique, forte de ses 1,4 milliard de fidèles, s’apprête à écrire une nouvelle page de son histoire. Le conclave qui s’annonce ne sera pas un simple rituel cardinalice sous les fresques de Michel-Ange ; il pourrait bien être celui d’une rupture, d’une ouverture, d’un pape venu des confins du monde.
Pour la première fois, moins de la moitié des électeurs du conclave seront européens. Et si le collège des cardinaux a été façonné par les choix de François, il n’est ni entièrement progressiste ni totalement conservateur. Ce flou idéologique laisse la porte grande ouverte aux surprises – une constante dans l’histoire papale.
Alors, qui succédera à François ? Voici les visages de l’espoir, les prétendants à la tiare, entre intrigues romaines et aspirations globales.
Pietro Parolin – Le diplomate de l’intérieur

Italien, 70 ans, secrétaire d’État du Vatican, Parolin est un homme de couloirs, d’influence et d’équilibre. Certains le surnomment « le pape silencieux » tant son rôle aux côtés de François fut central.
Sa vision : une Église tournée vers le monde, vers la paix, vers le dialogue diplomatique. Mais son conservatisme doctrinal, notamment sur les questions de société, et son profil très « Curie romaine », pourraient refroidir ceux qui veulent voir l’Église s’ouvrir davantage.
Les parieurs l’adorent. Les cardinaux ? Rien n’est moins sûr. En Italie, on dit souvent : « Chi entra Papa in conclave, ne esce cardinale. » Une mise en garde que Parolin connaît sûrement par cœur.
Luis Antonio Tagle – L’âme pastorale de l’Asie

À 67 ans, le cardinal philippin Tagle est l’icône d’une Église incarnée dans le peuple. Modéré, compatissant, proche des pauvres et des migrants, il incarne ce souffle que François a tenté d’insuffler à Rome.Apprécié pour son approche humaine et inclusive, il parle de l’Église avec le cœur. Mais son profil progressiste pourrait effrayer les plus conservateurs, tandis que son sourire presque timide pourrait masquer une redoutable capacité à rassembler.
Sera-t-il le premier pape asiatique ? Aux Philippines, on prie déjà pour ce miracle.
Fridolin Ambongo – Le pasteur de la Résilience

Kinshasa. Là où résonnent les chants d’une Église debout, malgré les tempêtes. À 64 ans, le cardinal Ambongo est la voix d’un continent en éveil. Conservateur en matière de mœurs, mais ouvert au dialogue interreligieux, il incarne une Église africaine forte, fière, mais ancrée dans ses réalités culturelles.Son franc-parler sur les défis du continent, sa proximité avec les fidèles et sa stature morale pourraient séduire ceux qui rêvent d’un pape africain. Pourtant, certains s’interrogent : peut-il représenter toute l’Église alors qu’il défend farouchement certaines spécificités culturelles ? Un dilemme, mais aussi une promesse de renouveau.
Peter Turkson – L’humaniste engagé du Ghana

Le Ghana, la funk, les conférences mondiales : Peter Turkson est tout sauf un prélat ordinaire. À 76 ans, ce cardinal à l’énergie contagieuse a longtemps été considéré comme le favori africain. Proche de Jean-Paul II, admiré par François, il a toujours prôné la justice sociale, l’écologie et l’humanité.
Conservateur, certes, mais aussi subtil : il s’oppose à la criminalisation des homosexuels tout en défendant les valeurs traditionnelles. Un homme de ponts, dans un monde de fractures.Turkson pourrait être ce compromis entre tradition et modernité. Ou alors, l’homme qu’on évoque toujours sans jamais le choisir.
Vers un pape du Sud ?
Le centre de gravité du catholicisme a basculé. Il parle désormais swahili, tagalog, portugais ou lingala. L’Afrique et l’Asie, longtemps périphériques dans les décisions vaticanes, pourraient enfin voir l’un des leurs ceindre la blanche soutane.
Mais ce conclave, comme les autres, obéira à une logique qui échappe à toute prédiction. Une logique d’esprit autant que de circonstances. Et si l’histoire nous a appris une chose, c’est que l’Église aime les gestes inattendus.
En attendant la fumée blanche, les regards du monde entier – croyants, curieux ou critiques – scruteront la cheminée de la chapelle Sixtine. Et peut-être, au-delà des fresques éternelles, l’Église dévoilera enfin le visage d’un pape à l’image du monde d’aujourd’hui.
L’Esprit souffle où il veut. Reste à savoir où il portera les clés de Saint-Pierre.


