Par notre correspondant spécial à Kinshasa
Kinshasa, 7 avril 2025 – En République démocratique du Congo, la saison des pluies a pris un tournant dramatique. Les dernières précipitations diluviennes ont transformé plusieurs quartiers de la capitale congolaise en véritables marécages, coupant temporairement les principaux axes routiers menant à l’aéroport international de N’djili. Face à l’urgence, les autorités congolaises ont été contraintes de recourir à une solution ancestrale mais redoutablement efficace : la voie fluviale.
Une capitale sous les eaux

Depuis plusieurs jours, Kinshasa ploie sous une pluie incessante. Des quartiers comme Masina, Kingasani et N’djili sont les plus touchés, avec des artères principales submergées, des maisons inondées et des familles contraintes d’évacuer en pirogue ou à pied, les pieds dans la boue.
« C’est comme si le fleuve s’était étendu jusqu’à nos salons », confie Madame Kabeya, résidente de Masina, les larmes mêlées à la pluie. « Nous n’avons plus d’électricité, plus d’eau potable, et l’aide tarde à venir. »
L’État improvise avec les moyens du bord

Face à l’isolement de l’aéroport international de N’djili, un point névralgique pour les vols internationaux, le gouvernement a pris une décision inédite : rediriger le trafic des officiels et des passagers urgents par le fleuve Congo et ses affluents. Des navettes fluviales ont été mobilisées pour acheminer diplomates, hommes d’affaires et voyageurs en partance.
« Nous avons mobilisé une dizaine d’embarcations motorisées pour assurer la liaison fluviale entre le centre-ville et une zone sécurisée proche de l’aéroport », a déclaré à la presse le ministre des Transports, Patrick Muyaya. « Ce n’est pas idéal, mais c’est notre seule alternative face à l’urgence. »
Entre improvisation et résilience

Si la mesure surprend, elle rappelle aussi la résilience d’un peuple habitué à faire face à l’imprévisible. Dans les pirogues improvisées comme dans les embarcations gouvernementales, une même détermination : continuer à avancer malgré les flots.
Mais cette crise révèle surtout l’état d’abandon des infrastructures. Les travaux de réhabilitation de la route de l’aéroport, souvent annoncés, tardent à se concrétiser. Les systèmes de drainage sont obsolètes, quand ils existent encore. Une fois la pluie passée, il faudra poser les bonnes questions.
Un appel à la responsabilité

La société civile et plusieurs ONG tirent la sonnette d’alarme. « Nous ne pouvons plus vivre chaque saison des pluies comme une catastrophe », insiste Jonas Tumba, activiste environnemental. « Il est temps d’investir durablement dans les infrastructures, d’adapter nos villes au changement climatique. Ce qui se passe à Kinshasa pourrait arriver demain à Lubumbashi, Kisangani ou Goma. »
Pendant ce temps, sur les eaux boueuses du fleuve Congo, la vie continue. Kinshasa flotte, vacille, mais ne sombre pas. Car derrière les inondations, c’est une capitale entière qui résiste, vaille que vaille.