Un tournant mémoriel au Gabon
Port-Gentil, Gabon – Une nouvelle page de l’histoire gabonaise vient de s’écrire avec la rebaptisation de l’aéroport international de Port-Gentil au nom de Joseph Rendjambé Issani. Ce changement marque non seulement une rupture avec l’ère d’Ali Bongo Ondimba, mais aussi une volonté affirmée de rendre hommage aux figures politiques qui ont marqué la lutte pour une gouvernance démocratique au Gabon.
Joseph Rendjambé Issani : L’héritage d’un homme engagé

Né le 31 mai 1939 à Omboué, Joseph Rendjambé Issani demeure une figure emblématique de l’histoire politique gabonaise. Héritier du trône royal d’Omboué, il poursuit des études de philosophie à la Sorbonne avant de décrocher un doctorat en sciences économiques en République Tchèque. Son parcours intellectuel brillant ne l’éloigne pas de son engagement politique, bien au contraire.
En 1990, alors que le Gabon amorce une transition démocratique sous la pression populaire, Rendjambé devient le premier Secrétaire général du Parti gabonais du progrès (PGP), formation politique d’opposition prônant un changement radical face au régime d’Omar Bongo.
Mais son ascension politique s’arrête brutalement le 23 mai 1990, lorsqu’il est retrouvé mort dans une chambre d’hôtel à Libreville. Un décès aux circonstances troubles, qui déclenche une révolte populaire d’une ampleur inédite. Port-Gentil et Libreville s’embrasent, l’hôtel où il a été retrouvé devient la cible des manifestants, et un vent de contestation souffle sur le régime en place.
Un choix hautement symbolique dans le contexte de la transition

La décision de rebaptiser l’aéroport de Port-Gentil, qui portait jusqu’ici le nom de l’ex-président Ali Bongo Ondimba, n’est pas anodine. Depuis le coup d’État du 30 août 2023, qui a mis fin à plus de 55 ans de pouvoir dynastique des Bongo, le Gabon s’engage dans une relecture de son histoire.
Ce changement, au-delà d’un simple acte symbolique, est perçu comme un geste fort de réhabilitation d’une figure politique longtemps éclipsée par l’histoire officielle. Il répond aussi à une revendication mémorielle portée par de nombreux Gabonais, notamment à Port-Gentil, ville frondeuse qui fut l’épicentre des manifestations anti-Bongo.
Une rupture définitive avec l’ancien régime ?

En rebaptisant l’aéroport de la capitale économique du pays au nom de Joseph Rendjambé Issani, le pouvoir de transition envoie un message clair : la réécriture de l’histoire nationale est en marche. Cette initiative pourrait ouvrir la voie à d’autres changements symboliques, visant à redonner une place aux figures de l’opposition dans l’héritage politique gabonais.
Reste à savoir si ce choix marquera une réelle inflexion politique ou s’il ne restera qu’un simple geste mémoriel. Pour de nombreux observateurs, la transition actuelle sera jugée sur sa capacité à traduire ces actes symboliques en réformes profondes. L’aéroport Joseph Rendjambé Issani s’impose désormais comme un témoin du passé, un défi pour le présent et une promesse pour l’avenir.
Par prince Bertoua.