Par Prince Bertoua
En Afrique, le spectre du manque d’instruction plane comme une menace silencieuse, creusant les inégalités, exacerbant les tensions et alimentant les conflits. À l’ombre des crises politiques et des fractures sociales, l’éducation – ou plutôt son absence – façonne les destins et détermine les rapports de force. Loin d’être un simple défi sectoriel, le déficit éducatif s’impose comme un facteur central dans la perpétuation des incompréhensions, des divisions et des conflits.
Un levier de manipulation et de radicalisation
Lorsqu’un peuple est privé d’éducation, il devient vulnérable à toutes les formes de manipulation. Dans de nombreux pays africains, les discours populistes, ethnicistes ou religieux extrémistes prospèrent sur le terreau de l’ignorance. Des leaders sans scrupules exploitent l’analphabétisme et la méconnaissance des droits fondamentaux pour asseoir leur pouvoir, mobilisant les masses à coup de slogans simplistes et de promesses fallacieuses.
Des conflits interethniques aux guerres civiles, la méconnaissance de l’autre alimente la méfiance et la haine. Là où l’école aurait pu inculquer des valeurs de tolérance et de coexistence pacifique, l’absence d’éducation creuse des fossés. Une population éduquée est capable de discernement, d’analyse et de dialogue. À l’inverse, l’ignorance entretient le rejet de l’altérité et nourrit la peur, terreau fertile des affrontements.
L’éducation : clé du développement et de la stabilité
Dans les nations où l’investissement dans l’éducation a été une priorité, les résultats sont éloquents. Le Rwanda post-génocide, en misant sur une réforme éducative ambitieuse, a su transformer son tissu social et amorcer une croissance impressionnante. L’Afrique du Sud, bien que toujours marquée par les inégalités héritées de l’apartheid, doit son dynamisme économique à une population largement alphabétisée et formée.
L’éducation ne se limite pas à l’apprentissage des lettres et des chiffres ; elle constitue un outil d’émancipation. Une population instruite comprend ses droits et obligations, participe activement à la vie démocratique et est moins encline à céder aux discours de division. De même, la formation professionnelle et universitaire joue un rôle clé dans la réduction du chômage, facteur majeur d’instabilité en Afrique.
Un état d’urgence éducatif
Malgré ces évidences, l’éducation demeure le parent pauvre des politiques publiques dans de nombreux pays du continent. Entre manque d’infrastructures, programmes inadaptés et sous-financement chronique, les systèmes éducatifs peinent à répondre aux attentes. En zones rurales, les écoles sont souvent inexistantes ou sous-équipées, tandis que dans les villes, la massification de l’enseignement se heurte à un déficit criant d’enseignants qualifiés.
Face à cette réalité, l’urgence est triple :
Réformer les curricula pour les adapter aux réalités socio-économiques africaines et favoriser une éducation citoyenne et inclusive.
Investir massivement dans les infrastructures et la formation des enseignants pour garantir un accès équitable à l’éducation.
Sensibiliser les populations sur l’importance de la scolarisation, notamment des filles, souvent marginalisées dans l’accès au savoir.Conclusion : l’Afrique au carrefour du savoir et du chaos
L’avenir du continent se joue aujourd’hui sur les bancs d’école. Continuer à négliger l’éducation, c’est condamner l’Afrique à un cycle perpétuel d’instabilité, de conflits et de sous-développement. En revanche, en misant sur l’instruction comme pilier fondamental du progrès, les nations africaines peuvent bâtir des sociétés plus justes, plus pacifiques et plus prospères. Le choix est clair : apprendre ou sombrer.
