Conflits armés et sécurité alimentaire en RDC

Une situation humanitaire alarmante
La République Démocratique du Congo (RDC) est en proie à des conflits armés de longue date. Récemment, l’offensive des rebelles du M23 a exacerbé une crise humanitaire déjà désastreuse. Le 22 janvier 2025, la prise de Minova a coupé l’approvisionnement alimentaire de Goma, une ville de plus d’un million d’habitants. Ce centre, jusqu’alors vital pour le ravitaillement, est désormais bloqué, et les prix sur le marché local grimpent en flèche.
Les témoignages des habitants sont éloquents. Marie-Jeanne, une commerçante, exprime l’angoisse de ses concitoyens face à la flambée des prix et à la rareté des produits. Les feuilles de manioc, par exemple, voient leur prix triplé, passant de 500 à entre 1 500 et 2 000 francs congolais. Ce bouleversement menace non seulement les commerçants, mais également les consommateurs, qui peinent à se procurer des aliments de base. Pascaline Kamale Bwira, une résidente de Goma, illustre cette détérioration en décrivant sa situation alimentaire précaire, mettant en lumière l’impact direct des conflits sur la vie quotidienne.
Les agences des Nations Unies, alarmées, qualifient la crise alimentaire à Goma d’« extrêmement inquiétante ». Selon Matthew Saltmarsh, porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), près d’un demi-million de personnes ont été déplacées dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Les combats incessants compliquent l’accès à l’aide humanitaire, engendrant un cycle de souffrance et de désespoir.

Les conséquences économiques des conflits
La violence dans l’est de la RDC engendre des répercussions économiques considérables, particulièrement sur la sécurité alimentaire. Le contrôle de Minova par le M23 a permis aux rebelles de dominer la route Nationale 2, essentielle pour l’approvisionnement en denrées alimentaires à Goma. Cette situation a restreint l’accès à des produits alimentaires cruciaux, rendant la ville dépendante des importations provenant du Rwanda et d’autres pays voisins.
Justin Bisimwa, armateur, prévient que le blocage potentiel des accès à Minova risque d’aggraver la situation déjà fragile à Goma. L’interdiction de la navigation sur le lac Kivu, imposée en raison de l’insécurité croissante, complique encore plus l’approvisionnement. La fermeture des routes et des ports entrave la livraison de vivres, exacerbate la pénurie alimentaire.
Les conséquences de cette crise se répercutent sur le marché local. La hausse des prix des denrées alimentaires, conjuguée à une disponibilité réduit des produits, met à mal les familles. Celles qui fuient les violences à Masisi et Rutshuru se retrouvent dans des conditions désespérées, augmentant le risque de famine. Clémentine de Montjoye de Human Rights Watch décrit cette situation comme « désastreuse », appelant à une protection urgente des civils et des infrastructures essentielles.

Vers une crise alimentaire imminente
La violence persistante, les déplacements massifs et l’effondrement des voies d’approvisionnement créent un terreau propice à une crise alimentaire imminente à Goma. Les agences humanitaires, telles que le Programme alimentaire mondial (PAM), s’inquiètent de l’accès restreint à la nourriture et à l’eau potable pour les familles déplacées. Shelley Thakral, porte-parole du PAM, avertit que la situation pourrait se détériorer davantage si les violences continuent, mettant à mal la résilience des populations fragilisées.
Les combats menacent aussi des infrastructures essentielles, comme un laboratoire d’Ebola, avec de graves conséquences sur la santé publique. Patrick Youssef, Directeur régional du CICR pour l’Afrique, exprime ses préoccupations quant à la sécurité des échantillons d’Ebola, notant que la dégradation de la situation sécuritaire risque de compromettre la lutte contre cette maladie.
Face à cette crise, des appels à des pauses humanitaires pour établir des corridors humanitaires se multiplient. Bruno Lemarquis, Coordinateur humanitaire en RDC, souligne la nécessité d’un accès humanitaire sans entrave pour sauver des vies. La situation à Goma illustre comment les conflits armés déstabilisent non seulement la sécurité alimentaire, mais aussi la santé publique et la stabilité économique d’une région entière.
La dynamique des conflits armés dans l’est de la RDC soulève des questions essentielles sur l’avenir de la sécurité alimentaire. Comment les acteurs internationaux peuvent-ils intervenir efficacement pour atténuer cette crise ? Quelles solutions durables peuvent être mises en œuvre pour garantir l’accès à la nourriture et aux ressources essentielles pour les populations vulnérables ? Ces interrogations méritent une attention urgente et un débat approfondi.