Marginalisation des anglophones au Cameroun : un défi pour la cohésion nationale

Une histoire de promesses non tenues
La marginalisation des populations anglophones au Cameroun est un phénomène vieux de plusieurs décennies. Elle est alimentée par des promesses non tenues du gouvernement. Après la fin de l’État fédéral en 1972, les engagements pris par le Président Ahmadou Ahidjo, discutés avec des leaders anglophones comme S.T. Muna et J.N. Foncha, sont restés lettre morte. Ces engagements de développement pour les régions anglophones ont laissé un goût amer. Ce sentiment d’injustice perdure et génère une profonde frustration.
Selon l’analyse de David Abouem, cette situation a creusé un fossé entre les communautés francophones et anglophones. Les anglophones, se sentant abandonnés par l’État central, voient leur identité culturelle menacée par une politique de francisation indésirable. Les décisions administratives centralisées, notamment concernant la gestion des ressources locales, accentuent ce sentiment d’abandon et d’éloignement des réalités locales.
Les conséquences de cette marginalisation sont inquiétantes. Les populations anglophones, souvent maltraitées par les agents publics, nourrissent un ressentiment face à l’injustice subie. Ce qui aurait dû être une promesse de développement renforçant la cohésion nationale s’est transformé en source de division.

Les effets de la centralisation sur la gestion locale
La centralisation des décisions administratives à Yaoundé est un aspect crucial de la marginalisation des anglophones. Des exemples tels que la centralisation du matériel de génie civil et le transfert de la gestion des adductions d’eau à la Société Nationale des Eaux du Cameroun (SNEC) montrent bien les lenteurs administratives et l’inadaptation à la réalité locale.
Cela entraîne des retards dans la mise en œuvre de projets essentiels et exacerbe le sentiment d’impuissance des communautés anglophones. Les frustrations accumulées peuvent mener à des revendications, comme le souligne Abouem, et à une remise en question de l’autorité de l’État. Les populations se sentent dépossédées de leurs droits, ce qui nuit à leur confiance envers les institutions nationales.
La centralisation, bien qu’elle se veuille efficace, influence profondément la perception de l’État par les anglophones. Ce sentiment d’exclusion peut fragmenter la société, poussant les communautés à se rassembler autour de leurs identités culturelles plutôt que d’une identité nationale unifiée.

Conséquences sur la cohésion nationale et le sentiment d’appartenance
La marginalisation des anglophones impacte directement la cohésion nationale. Lorsqu’un groupe se sent exclu des décisions et des bénéfices du développement, un climat de méfiance et de division s’installe. Les tensions entre francophones et anglophones se sont intensifiées, alimentées par des perceptions d’injustice et de discrimination.
Le mouvement « Cameroon Action Movement », né en 1979, incarne cette résistance. Il dénonce non seulement la centralisation excessive, mais aussi une francisation perçue comme une menace à l’identité anglophone. Les revendications de ce mouvement soulignent l’urgence d’un dialogue inclusif et de la reconnaissance des droits des anglophones.
En conclusion, la marginalisation des anglophones n’est pas qu’une question administrative ; elle touche l’essence même de la cohésion nationale et du sentiment d’appartenance. Pour bâtir un Cameroun uni et pacifique, il est impératif de reconnaître et de traiter ces injustices historiques. La question demeure : comment l’État peut-il rétablir la confiance et favoriser un dialogue constructif entre les différentes communautés ?


