Héritages coloniaux et formation de l’État camerounais

Les promesses non tenues et leurs conséquences
La création de l’État camerounais contemporain est indéniablement influencée par ses héritages coloniaux anglo-saxon et français. Ces héritages ont non seulement redéfini les structures administratives, mais aussi les attentes des populations. Le 20 mai 1972 marque une date clé, lorsque le pays abandonne son État fédéral, promettant un essor accéléré pour les régions anglophones. Pourtant, celles-ci ont rapidement déchanté. Les promesses d’amélioration des infrastructures et de services publics, portées par le gouvernement fédéral et le parti Union Nationale Camerounaise (UNC), sont restées lettre morte, alimentant le ressentiment des anglophones.
Dans les zones où les équipements essentiels, comme l’eau courante et les routes, sont en piteux état, le sentiment de trahison est palpable. La centralisation des décisions à Yaoundé engendre des lenteurs administratives. Prenons le cas du Parc National de Matériel de Génie Civil (PNMGC), souvent cité pour illustrer les frustrations croissantes des communautés locales. Ces mécontentements se traduisent par des mouvements de contestation, témoignant des répercussions des promesses non tenues sur la cohésion sociale et politique.
Ces tensions dépassent le simple mécontentement local. Elles s’inscrivent dans une lutte plus vaste pour la reconnaissance et l’identité au sein d’un État qui semble ignorer les particularités culturelles et historiques des anglophones. Cette situation met en exergue l’urgence d’une gouvernance plus inclusive au Cameroun.

Un héritage colonial aux multiples facettes
Les héritages coloniaux anglo-saxon et français ont engendré des cultures administratives variées, influençant toujours la politique camerounaise. D’une part, le modèle centralisateur français a concentré le pouvoir à Yaoundé, souvent perçu par les anglophones comme un néocolonialisme. D’autre part, le système britannique, plus décentralisé, accordait une autonomie locale, un contraste saisissant avec la situation actuelle.
David Abouem à Tchoyi souligne cette opposition, notant que les francophones, bien qu’affectés par la centralisation, n’ont pas réagi avec la même virulence que les anglophones. Cette disparité révèle des différences culturelles qui façonnent les perceptions et les attentes des diverses communautés. Beaucoup d’anglophones se sentent marginalisés dans les circuits décisionnels, une situation qui alimente un fort sentiment d’exclusion.
Les critiques des francophones à l’égard des anglophones, quant à leur héritage colonial, accentuent une tension identitaire sous-jacente. Les francophones, tout en s’appuyant sur leur héritage, reprochent aux anglophones de revendiquer une identité distincte, créant un climat de méfiance et de rivalité. Cette dynamique complique davantage la quête d’une nation unie.

Réactions et mouvements contestataires
En réponse à cette marginalisation, divers mouvements contestataires ont émergé pour revendiquer les droits des anglophones et dénoncer la centralisation excessive. Le « Cameroon Action Movement », fondé en 1979, est un exemple emblématique de cette résistance. Ce mouvement alerte sur la poursuite d’une forme de colonisation française dans l’Ouest du Cameroun, soulignant que les politiques du gouvernement aggravent les inégalités.
Les réponses du gouvernement, incluant celles d’Ahmadou Ahidjo, qui a tenté de calmer le jeu en envoyant des délégations à Bamenda et Buéa, témoignent d’une prise de conscience face à la montée du mécontentement. Cependant, ces initiatives sont souvent jugées superficielles, incapables de toucher aux vraies préoccupations des anglophones. Le changement de nom en « République du Cameroun » en 1984 a aussi été perçu comme une volonté d’effacer l’identité de l’ancien Cameroun Occidental, renforçant davantage le sentiment d’autochtonie parmi les anglophones.
Ces mouvements et les réponses qu’ils suscitent illustrent la complexité des relations intercommunautaires au Cameroun. Les héritages coloniaux continuent de façonner la dynamique de l’État moderne, et la lutte pour la reconnaissance et l’égalité des droits demeure cruciale, tant pour les anglophones que pour le pays dans son ensemble.
Réflexions sur l’avenir du Cameroun
Les héritages coloniaux anglo-saxon et français ont largement influé sur le paysage politique et social du Cameroun d’aujourd’hui. Dans ce contexte, il est primordial d’explorer des voies vers une réconciliation et une véritable inclusion. Intégrer les spécificités culturelles et historiques des différentes communautés pourrait apporter une gouvernance plus équitable.
Les défis présents, notamment les tensions intercommunautaires, soulignent l’importance d’un dialogue ouvert. Les gouvernements successifs ont souvent failli à répondre aux attentes des populations, entraînant une fragmentation croissante de l’identité nationale. Dès lors, comment le Cameroun peut-il bâtir un avenir commun tout en respectant sa diversité héritée ?
La reconnaissance des injustices passées et la volonté de créer un État inclusif, respectueux des différences culturelles, sont essentielles pour construire une paix durable. Le Cameroun, riche de sa diversité, dispose d’une opportunité unique pour se réinventer, mais cela requiert un engagement sincère de tous les acteurs politiques et sociaux.


