Le Rôle de l’Église dans la Critique du Régime Camerounais
Une Voix Prophétique pour le Changement
Depuis plusieurs mois, les évêques de l’Église catholique au Cameroun se font entendre. Leur critique du régime de Paul Biya, en place depuis 1982, prend de l’ampleur, en particulier à l’approche des élections présidentielles de 2025. La candidature controversée de Biya suscite inquiétude et impatience. Mgr Samuel Kleda, l’archevêque de Douala, a qualifié cette candidature d’« irréaliste », mettant en avant les marques du temps et la nécessité d’un renouveau politique. Autrefois réservés, les évêques prennent une position plus active, se voyant désormais comme les garants du bien commun.
Des figures telles que Mgr Emmanuel Abbo et Mgr Barthélémy Yaouda Hourgo affichent leur solidarité avec un peuple souffrant. Ils dénoncent les conditions de vie précaires et l’étranglement de la liberté d’expression. Mgr Abbo, avec une métaphore saisissante, évoque la répression comme un « moulinex » écrasant ceux qui osent parler. Par ces déclarations, l’Église se positionne comme un acteur dans le débat public, une responsabilité qu’elle a souvent endossée tout au long de l’histoire du pays.
Cette dynamique fait écho aux luttes pour l’indépendance, où l’Église a souvent été la voix des opprimés. En s’engageant dans le discours politique, les évêques rappellent aux dirigeants leurs devoirs et incitent les citoyens à prendre conscience de leur pouvoir. Ils estiment que leur mission spirituelle inclut aussi la dénonciation des injustices et l’appel à une transformation positive.
La Réaction du Régime et les Débats sur la Laïcité
Les critiques des évêques n’ont pas tardé à susciter des réactions au sein du régime. Grégoire Owona, ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a exprimé son incompréhension. Selon lui, l’Église devrait se concentrer sur ses propres enjeux. Ce constat met en lumière une tension persistante entre la laïcité de l’État et la légitimité des évêques à intervenir sur des questions politiques. Owona a critiqué l’irritation de certains prélats, malgré la reconnaissance de leur rôle social.
Cette tension interroge le sens même de la laïcité au Cameroun. Valère Bessala, représentant du Parti Jouvence, rappelle que l’accord-cadre entre le Cameroun et le Vatican autorise les évêques à s’exprimer sur la situation politique. Il souligne également qu’aucune disposition n’interdit une telle prise de position. Cela pose la question : la laïcité est-elle une entrave à la liberté d’expression des religieux ou une séparation des pouvoirs favorisant l’engagement des croyants dans le débat public ?
Les évêques, pour leur part, affirment leur droit et leur devoir d’évaluer la situation politique, rejetant l’idée d’un rôle unidimensionnel. Leur position est soutenue par le Nonce apostolique au Cameroun, qui encourage l’unité des évêques dans leur défense du bien commun.
Perspectives d’Avenir et Appels à l’Action
Lors de leur 48ème séminaire annuel à Buea, les évêques camerounais s’apprêtent à aborder les défis sociaux, politiques et économiques du pays. Mgr Andrew NKEA, président de la Conférence Épiscopale Nationale, appelle à un dialogue constructif et invite les citoyens à endosser leur responsabilité. Il appelle également à un changement nécessaire pour les élections à venir, affirmant que 2025 sera une année de renouvellement. Cette déclaration officialise le positionnement de l’Église contre le régime actuel.
Les évêques soutiennent que la détérioration socio-économique touche non seulement leurs missions, mais aussi la vie quotidienne des Camerounais. Ils constatent que leurs efforts pour prêcher une transformation des mentalités n’ont pas porté leurs fruits, et que l’immobilisme politique met en péril la fondation de leurs initiatives spirituelles et sociales. Ils plaident donc pour une transition politique, un changement tant espéré par la population.
En résumé, l’engagement de l’Église dans la critique du régime camerounais se renforce. Les évêques émergent comme des acteurs de changement, posant d’importantes questions sur la gouvernance, la liberté d’expression et la responsabilité morale des leaders. Alors que le pays se dirige vers une période électorale décisive, la voix de l’Église pourrait bien transformer la quête d’un Cameroun meilleur.